Le mariage [ft Ermaelle, Ebao, Eleazar et Solveig]

Punis ?

Solveig pouvait bien l'accepter, s'il n'y avait que ça comme conséquence, elle s'y résoudrait (même si c'était la faute d'Olrän).
La fillette restait blottit contre Ebao tandis que celui-ci répondait à Eléazar... Elle avait avoué avoir gardé le secret mais elle ne dirait pas pourquoi. Olrän lui avait pourtant dit que la lettre ferait du mal à son tuteur ! Et pourtant, le gardien parlait comme s'il n'avait rien à se reprocher !
Solveig se demandait si le plus jeune des Kuza avait été honnête sur le contenu de cette dernière ?

Elle ne sembla refaire surface qu'au moment où elle entendit les deux hommes s'interroger sur la mystérieuse disparition d'Olrän.

- Il doit être rentré à la maison, dit-elle simplement, il sait que tu vas être en colère.

L'adolescent avait en effet quitté la fête. Pas qu'il eut craint qu'Ebao ne fasse un scandale devant les autres invités mais il aurait mal vécu les regards noirs et les remarques froides que lui aurait lancé son frère aîné. Ebao ne s'en rendait pas compte, mais il avait fait ça pour le protéger !

- C'est les cousines de Farban qui vont êtres déçues, se contenta d'ajouter Solveig. Elles sont toutes amoureuses de lui.

C'eût au moins l'effet de presque faire rire Ebao qui demanda à sa pupille de retourner à sa place, en descendant de ses genoux, Solveig passa à côté de Gastor et dit à haute voix (à quoi bon se cacher ? Rien ne serait jamais pire que ce qu'avait fait Olrän)

- Vous n'êtes pas un parti à la hauteur pour Ermaelle !

Et elle se sauva à toute vitesse en entendant les protestations d'Ebao.

L'un des plus grands poètes de l'histoire ? Sur quels critères se basait le professeur du chevalier ? Maître Dyarm n'aurait jamais offert un tel compliment à l'un de ses élèves, qu'ils soient nobles ou non. Bercer les gens d'illusions n'était pas dans ses habitudes. Les faux-semblants n'avaient pas leur place dans l'atelier. Les vers du jeune homme étaient certes agréables mais ils n'étaient pas à la hauteur de certains poèmes qu'Ermaëlle avait eu l'occasion de lire, que cela soit à Karn ou à Hantonael. Qui sait ? Le professeur dont parlait Gastor ne souhaitait peut-être qu'entrer dans les bonnes grâces de la famille du chevalier ? C'était une possibilité comme une autre. Portant son verre à ses lèvres, l'ancienne esclave y prit une grande lapée, tentant d'effacer l'agacement qui s'emparait peu à peu d'elle. Cela n'eut pas l'effet escompté, cependant, l'enlumineuse se contentant de grimacer, bien qu'après coup, la jeune femme se demanda si l'alcool était réellement à l'origine de sa réaction.

« Oui, je comprends. répondit poliment Ermaëlle, en reposant son verre. Il est vrai que votre mission est bien plus importante que quelques vers. Vous avez raison de vous y donner corps et âme... »

Ermaëlle n'eut pas le temps de continuer sa phrase, que Solveig s'approchait d'eux. L'enfant s'arrêta quelques instants au niveau de Gastor, avant de clamer haut et fort la nature de ses pensées. L'ancienne esclave ne put s'empêcher de porter sa main à sa bouche, surprise. Si l'enlumineuse savait que la petite ne portait pas le chevalier dans son cœur, elle ne pensait pas que les choses iraient si loin ! La pupille de son ami semblait réellement croire que Gastor était l'un de ses prétendants ! Pourtant, il n'en était rien ! Ils venaient à peine de se rencontrer, et la jeune femme doutait prévoir une nouvelle entrevue avec le chevalier ! Si c'était pour que sa manière de parler soit jugée à chaque instant ou pour entendre de belles paroles à longueur de temps, l'ancienne esclave préférait passer son tour ! Se marier n'était pas dans ses projets, et si cela devait se faire un jour, cela ne serait sûrement pas avec quelqu'un qui ne respectait même pas ce qu'elle était !

« Solveig ! » s'exclama la jeune femme, passablement courroucée.

La petite était déjà loin. Ermaëlle poussa un soupir. Glissant avec délicatesse l'une de ses mèches derrière son oreille gauche, la jeune femme ferma les yeux quelques instants, prenant une profonde inspiration, cherchant à retrouver son calme. Elle devait toucher deux mots à la petite. Lui faire comprendre que la situation n'était pas ce qu'elle semblait être. L'enlumineuse voulait à tout prix éviter que la soirée ne tourne au désastre pour elle ou pour le chevalier ! Se levant gracieusement, l'ancienne esclave reporta son attention sur Gastor. S'absenter était une chose, mais encore fallait-il le faire poliment.

« Veuillez m'excuser, je ressens le besoin de me rafraîchir quelques instants. N'ayez aucune inquiétude, je reviens au plus vite. » assura la jeune femme, sur un ton des plus polis.

Esquissant une légère révérence, Ermaëlle fut contrainte de faire le tour des tables pour éviter les personnes qui avaient rejoint le centre de la pièce, afin de s'essayer à quelques pas de danse. La jeune femme danserait plus tard, si le cœur lui en disait. Pour le moment, seule Solveig l'importait. L'enfant ne devait pas être bien loin, à moins qu'elle n'ait décidé de quitter les lieux... Songeuse, l'ancienne esclave s'arrêta quelques instants. Zelfyne. La petite avait sans doute décidé de la rejoindre ! Forte de cette idée, l'enlumineuse quitta la pièce, puis la demeure où se déroulaient les festivités. Une fois à l'extérieur, la jeune femme inspira avec bonheur l'air frais de la nuit. Tout semblait plus calme, ici. Malgré cela, Ermaëlle n'en oubliait pas sa mission. Si Solveig n'était pas ici, l'ancienne esclave ne voyait pas où elle pouvait se trouver.

Éléazar était d'avantage rassuré à l'idée de savoir Olrän chez lui, que traînant dans les rues à une heure si tardive. Et ce, qu'il sache ou non manier la dague dont Ebao venait de lui parler. En entendant la remarque de Solveig, l'Ar ne put s'empêcher d'esquisser un sourire amusé. Il fallait laisser le temps faire son œuvre, et les jeunes filles dont il était question finiraient par oublier Olrän ! Les choses étaient sans doute mieux ainsi, l'Ar doutant que le fait que le frère d'Ebao tourne autour de ses cousines plaise au marié !

« Mauvais goût ou pas, je pense que Farban aurait trouvé un moyen d'intervenir, si ton frère avait réellement tenté quelque choses envers l'une de ses cousines ! commenta le forgeron, avec un petit rire.
- Je ne vois pas de quoi tu parles, Éléazar. » répliqua l'intéressé, en jetant un regard dans la direction de sa parentèle féminine.

Farban se contenta de porter son verre à ses lèvres, buvant une gorgée du vin qui s'y trouvait. Gorgée qu'il avala de travers en entendant la remarque de Solveig au sujet de Gastor. Toussant quelques instants, le chevalier reposa précipitamment son verre. Ismelle s'apprêtant à lui taper dans le dos, le jeune homme lui fit signe que tout allait bien, afin qu'elle ne soit pas obligée d'en arriver là ! Farban s'était attendu à beaucoup de choses, lors de son mariage, comme des personnes enivrées ou encore des disputes, en plus des rires et des discussions cordiales. Malgré cela, le jeune homme devait avouer qu'il ne pensait pas que Solveig se comporterait de la sorte avec l'un des collègues de son tuteur et Ermaëlle !

Tandis qu'Ismelle s'assurait que son époux se portait pour le mieux, Éléazar avait porté son regard sur Solveig. Il n'était pas le seul, Ermaëlle et les personnes assises non loin d'elle ayant fait de même. Après sa déclaration fracassante, l'enfant détala sans demander son reste, tandis que l'ancienne esclave tentait de la retenir. Solveig avait décidément une imagination débordante ! Ermaëlle et Gastor ! L'Ar ne savait pas quel duo, ou plutôt couple, était le plus improbable venant de la petite ! Ermaëlle et Gastor, ou Ermaëlle et Ásmundr ? Le forgeron se demandait bien où la pupille de son ami allait chercher toutes ses idées ! L'imagination enfantine avait de nombreux pouvoirs, semblait-il !

« Petit frère ? demanda Ismelle, en secouant gentiment le bras de son cadet.
- … Hum ? Tu disais ? s'enquit l'intéressé, en tournant la tête vers la jeune femme.
- Ebao voulait savoir si tu acceptais de te joindre à la danse avec lui. » répondit la jeune mariée, avec un sourire.

Éléazar reporta son attention sur le chevalier. Danser ? Avec lui ? Le forgeron devait avouer qu'il ne s'attendait pas à une telle demande ! Le regard de l'Ar se porta ensuite vers le centre de la pièce, où certains invités s'étaient réunis pour danser un peu. Le forgeron ne savait pas quoi penser de tout cela... D'un autre côté, il était là pour s'amuser un peu ! Ce n'était pas tous les jours qu'un tel événement avait lieu ! Il serait dommage de ne pas en profiter un peu !

« Eh bien... Pourquoi pas ! Allons y ! » s'exclama Éléazar, son habituel sourire aux lèvres.

Se levant de sa chaise, le forgeron chassa les plis présents sur ses vêtements à l'aide de l'une de ses mains. Une fois cela fait, le jeune homme fit signe au chevalier de le suivre, avant de rejoindre la piste de danse. En chemin, l'Ar rencontra Ermaëlle, qui semblait vouloir à tout prix éviter les danseurs. L'ancienne esclave n'avait peut-être pas le pied dansant. Éléazar se contenta de hausser les épaules, avant de jeter un regard derrière lui, attendant Ebao pour se mêler aux autres personnes.

Ermaelle avait bien deviné. Sortie à toute vitesse, Solveig était assise devant Zelfyne et était occupée à raconter ses malheurs à l'oiseau géant. Elle devait bien comprendre non ? A force de traîner avec des humains !

- Tu sais Zelfyne, j'ai rencontré un autre duo de gardien la dernière fois. Ils s'appelaient Sir Krönos et Dementor, et même si je pense que tu ne ferais pas un très joli couple avec Dementor Ermaelle serait très bien avec Asmundr ! Mais ne t'en fais pas, dès que j'arrive au Panlaud je t'aiderai à trouver le Laüd de tes rêves !

La fillette abordait un air sérieux et semblait envisager sa futur mission avec beaucoup de considération.. Restait à savoir comment il serait possible de caser deux Laüd ensembles quand la fillette ne pouvait même pas savoir ce qu'ils avaient derrière la tête.
C'est vrai que ce serait compliqué, mais ce n'est certainement pas ça qui arrêterait notre petite entremetteuse !

- En tout cas, Ismelle, la sœur d'Eléazar arrête pas de vouloir faire des couples mais elle ne sait pas qui irait bien avec qui ! CONTRAIREMENT A MOI !! Et c'est usant ! C'est évident que Gastor est nul pour Ermaelle et elle ne le voit pas ! Puis aussi elle a mis Ebao et Eléazar à côté et ça a énervé Olrän et du coup ils ont compris pour l'histoire de la lettre et ils ont voulu me gronder moi ! Alors que j'y suis pour rien ! Enfin presque... C'est juste Olrän qui trouve qu'Eléazar est trop nul pour Ebao parce que ton Ar, bas il en a rien à faire de mon baba !

La fillette hocha la tête à sa propre affirmation et croisa les bras.

- Ceci dit, tu sais, il faut vraiment qu'on arrête Ismelle parce qu'elle en fait exprès de faire n'importe quoi ! Du coup, bas j'ai dis à Gastor qu'il était trop nul pour Ermaelle et me voilà !!! Je crois vraiment que je les ai énervé, mais les adultes sont vraiment idiots et ne voient pas les choses les plus évidentes !

C'est au même moment qu'elle entendit la porte s'ouvrir et vit Ermaelle arriver. Derrière elle, plus loin, on pouvait voir Gastor qui s'apprêtait à les rejoindre. Solveig sentit la pression monter d'un coup et se redressa en sursaut en faisant un signe de main à Ermaelle :

- VITE, VIENS ! GASTOR ARRIVE !!

Et elle fila se cacher derrière la laüd géante en espérant que l'ancienne esclave en fasse autant !

Et sa demande fit choux blanc.

Le pire ? Eléazar ne l'avait même pas entendu.
Qu'est-ce qui lui était passé par la tête pour demander ça ? Il n'aurait jamais du... Mais avec toute cette histoire de lettre, le chevalier s'était finalement dit qu'Eléazar ne lui en voulait pas ? Et avec ça l'idée incongrue qu'il aurait peut-être sa chance ?
Il était vraiment irrécupérable et portait son verre à sa bouche pour boire l'hydromel que ses voisins venaient de lui verser, tout cela en murmurant un "Ce n'est rien oublie".

Pourtant, même si Ebao enterrait sa proposition et toute forme de courage dans son subconscient comme si tout ceci n'avait jamais eu lieu, Ismelle jugea bon de rappeler à son petit frère la demande.
Ici, devant tout le monde, évidemment qu'il accepterait. Par pure politesse évidemment.

Eléazar accepta et Ebao acquiesça sans arriver à s'en réjouir. Si Ismelle n'avait pas été là, le gardien aurait pu continuer de faire comme s'il n'avait rien entendu et ne se serait pas sentit contraint de quoi que ce soit.
Le gardien lui fit rapidement signe de le suivre, et le chevalier hésita avant de se tourner vers Ismelle:

- Merci, mais tu n'aurais pas du. Il s'est senti obligé d'accepter, chuchota-t-il à son amie avant de partir à la suite de son premier amour.

Les danseurs étaient disposés dans une formation typique. Deux rangées face à face, ils exécutaient les mêmes mouvements avant de changer de partenaires. A peine arrivés, ils furent interrompus par deux jeunes femmes, des collègues d'Ismelle peut-être ? Ou juste des amies qui sait ?
Leur idée était simple, deux jeunes hommes comme eux danseraient bien avec deux jeunes femmes comme elles... Oh... Quel génies ! Ebao se retint de grimacer : ne pouvaient-elles pas s'occuper de leurs affaires ?!

Mais, ne se sentant pas de rendre tout ça plus bizarre, le jeune homme acquiesça :

- Bonne idée.

Les deux jeunes femmes semblèrent tout à fait ravies par sa décision. Elles se mirent alors à chuchoter vivement, surement pour savoir laquelle irait avec lequel des deux. Evidemment qu'elles se disputaient pour Eléazar, il fallait être tout bonnement aveugle pour ne pas voir à quel point il était séduisant !

Finalement, l'une d'elle sembla prendre le dessus sur l'autre et se tourna vers Ebao tout sourire. Cependant le chevalier n'était pas dupe de ce sourire de circonstance ! "C'est ça, cache ta déception" pensa alors le jeune homme tandis qu'il lui tendait poliment son bras et allait se placer face à elle parmi la rangée de danseurs.
Eléazar et l'heureuse élue s'installaient alors à côté d'eux et la musique suivante débuta à ce moment là.

En apercevant Solveig non loin de Zelfyne, Ermaëlle poussa un soupir de soulagement. Bien, au moins elle ne devrait pas arpenter toute la demeure des Arkam pour espérer trouver la petite. Le prétexte que la jeune femme avait utilisé afin de s'éclipser sans être suivie ne lui aurait pas permit de rester aussi longtemps loin des autres invités. De plus, cette demeure n'était pas la sienne, ou celle de l'un de ses proches. Y fouiner se révélerait être d'une profonde impolitesse, et l'enlumineuse ne souhaitait pas apporter de l'eau au moulin de ses détracteurs. Passer pour une voleuse n'était pas envisageable, alors que sa présence était, petit à petit, de plus en plus tolérée par la garde de la ville.

Alors que l'enlumineuse se rapprochait de l'enfant, les paroles de cette dernière finirent par lui parvenir. Au vu des propos de Solveig, son avis au sujet de Gastor semblait des plus tranchés. Ermaëlle savait qu'Ismelle l'avait volontairement placée à côté du chevalier, mais entre ce fait et l'idée de lui trouver un époux, il y avait un monde. Le chevalier ne semblait pas être un mauvais bougre, bien que l'ancienne esclave ne pouvait pas nier que son comportement l'exaspérait... Une jeune femme de son rang, et issue de ce Royaume, trouverait sans doute son bonheur en l'épousant. Mais Ermaëlle n'était pas une telle personne. Elle resterait toujours une étrangère en ces lieux, considérée avec méfiance, voire avec dégoût. Les choses étaient ainsi faites. Ce fait était semblable qu'importe le côté de la frontière.

Toujours est-il que le plan de table concocté par Ismelle et Farban semblait causer de nombreux désagréments à la fillette. D'un autre côté, Ermaëlle se demandait bien ce qui pouvait pousser Olrän a éprouver un tel ressentiment à l'égard de l'Ar. Quelques instants plus tard, la jeune femme obtint une réponse à cette interrogation. Ainsi, Ebao et Éléazar semblaient avoir un certain passif ensemble... Si c'était le cas, tous deux avaient beaucoup de chance d'être nés de ce côté de la frontière, et non pas du sien... Cependant, les choses semblaient s'être mal terminées, aux dires de Solveig, fait qui semblait être à la base du comportement d'Olrän envers le forgeron. Il n'y avait rien de plus complexe que les affaires de cœur...

« Solveig, je te cherchai. commenta Ermaëlle, alors qu'elle se trouvait à quelques pas de la petite. Je ne sais pas comment tu as pu imaginer que Gastor était l'un de mes prétendants. Nous ne faisions que discuter, et je ne pense pas être la bienvenue à ses côtés... Si telle est ma volonté. Mais ce n'est pas le cas. Je ne pense pas qu'Ismelle ait souhaité me trouver un époux. Je crains que cela ne soit une cause perdue. La jeune femme se tut quelques instants, avant de reprendre, non sans un soupir. Tu ne peux pas t'adresser aux adultes de la sorte, tu sais. Gastor ne mérite pas cela, quant bien même tu ne sembles pas lui porter beaucoup d'estime. Il reste un chevalier, ne l'oublie pas. »

C'est alors que la porte s'ouvrit à nouveau. Instinctivement, Ermaëlle jeta un regard derrière elle. Solveig avait raison. Il s'agissait de Gastor. Que faire ? L'ancienne esclave n'était pas certaine de vouloir rester seule en compagnie du chevalier. Solveig ne lui répondrait pas, s'il restait dans les parages. Avec un nouveau soupir, l'ancienne esclave rejoignit l'enfant, se cachant à son tour derrière la Laüd au plumage prune. Avec un peu de chance, Gastor ne s'attarderait pas, en voyant qu'il n'y avait personne en ces lieux. Peut-être penserait-il qu'elle avait préféré s'éloigner un peu de la demeure, afin de pouvoir profiter de quelques minutes de calme, loin de la musique et des discussions animées. A moins que le chevalier ne l'ait vu. Dans ce cas, l'enlumineuse n’échapperait pas à ses questions...

En entendant les mots d'Ebao, Ismelle se contenta de hausser les épaules, au sourire aux lèvres. De temps à autre, le Destin avait besoin d'un petit coup de main, et la jeune femme était ravie à l'idée de l'aider ! De plus, la mariée n'avait pas l'impression d'avoir forcé son frère à quoique ce soit. Il aurait parfaitement pu refuser, ou trouver un prétexte pour éviter de prendre part à une telle activité, si l'idée de danser lui avait déplut. Mais cela ne s'était pas produit. Son petit frère n'avait pas entendu, voilà tout ! Ce qu'il pouvait être dans la lune, parfois !

« Allons, Ebao. commença Ismelle, sur un ton amusé. Tu penses vraiment qu'avec la taille qu'il fait, mon frère entend tout ce qu'on peut lui dire ? Il y a fort à parier que certains mots se perdent avant même d'atteindre ses oreilles ! Aussi, il faut parfois lui répéter les choses plusieurs fois, avant qu'il ne puisse les entendre parfaitement ! » termina-t-elle, avec un petit rire.

Ismelle suivit les deux jeunes hommes du regard, tandis que ces derniers se rapprochaient de la piste de danse. Alors qu'ils s'apprêtaient à se joindre au groupe déjà présent, le chevalier et l'Ar furent approchés par deux invitées, que la jeune mariée ne connaissait que trop bien. Il s'agissait de deux de ses amies, qui l'avaient aidé au sujet du mariage, quand Farban était absent. Elles avaient également assistée au moment où Ismelle s'était préparée pour la cérémonie qui avait eu lieu plus tôt dans la journée. La jeune femme retint un soupir, qui se mua ensuite en un discret sourire. Si même ses amies tentaient de lui mettre des bâtons dans les roues, elle allait devoir redoubler d'ingéniosité pour parvenir à ses fins !


Quand Éléazar s'était approché du centre de la pièce, il ne pensait être abordé par deux jeunes femmes. Le jeune homme se souvint les avoir vu, plus tôt dans la journée, alors qu'il se rendait chez sa sœur. En temps normal, les deux invitées étaient accompagnées d'une troisième, que l'Ar n'arrivait pas à repérer dans l'assistance. Peut-être dansait-elle déjà ? Le forgeron tâcha de se souvenir des prénoms de chacune, et surtout, de les attribuer à la bonne personne. Dans les faits, il n'avait croisé le trio que très peu de fois, et aussi, il lui arrivait parfois d'inverser, par inadvertance, certains patronymes ! Après réflexion, le forgeron déduisit qu'il s'agissait de Talya et Delyn, la première arborant de longs cheveux bruns légèrement ondulés, tandis que la seconde avait les joues constellées de tâches de rousseur.

« Ebao a raison, c'est avec plaisir que nous acceptons votre offre ! » assura Éléazar, non sans un sourire.

Pendant quelques instants, les jeunes femmes échangèrent des murmures, jetant de temps à autre des regards dans la direction de leurs possibles cavaliers. Pendant ce temps, Éléazar porta son attention sur Ebao. Le visage du chevalier lui semblait un peu plus fermé qu'au moment où ils avaient quitté leurs places. L'Ar n'eut cependant pas le temps de réfléchir d'avantage à ce fait. En effet, les deux jeunes femmes semblaient avoir trouvé un terrain d'entente. Tandis que Delyn partait rejoindre les autres danseurs en compagnie d'Ebao, Éléazar faisait de même avec Talya, à qui il avait poliment offert l'une de ses mains, afin que la jeune femme ne soit pas gênée par leur différence de taille le temps de ces quelques pas.

Le duo ainsi formé rejoignit les autres danseurs, se plaçant non loin de leurs amis. Tout se mettant en position, Éléazar se remémorait les pas à effectuer afin de pouvoir suivre les autres danseurs sans mal et sans mettre en difficulté sa partenaire du moment. Le jeune homme devait avouer que cela faisait un moment qu'il n'avait pas dansé. Au Panlaüd, il n'avait pas réellement le temps de pratiquer une telle activité ! Et même si son emploi du temps lui permettait, danser seul n'était pas très amusant ! Mieux valait le faire en groupe, ou au moins en duo ! Et ni Alyanne, ni Oryas, n'avaient le pied dansant ! D'un autre côté... Un tel fait pourrait rendre la situation encore plus amusante !


Si Zelfyne s'était attendue à ce que la petite Humaine revienne la voir, la créature devait avouer qu'elle ne pensait pas que cette nouvelle rencontre se passe sans son Ar. La discussion n'en devenait que plus complexe à suivre pour la Laüd, alors même qu'elle avait l'habitude d'être en compagnie de personnes qui ne parlaient pas sa langue. Il fallait avouer que l'empressement dont faisait preuve Solveig n'arrangeait en rien cette situation ! La petite semblait avoir plusieurs idées à la seconde ! La créature réussit tout de même à comprendre certaines choses, une partie de ces dernières l'étonnant même ! Les Humains étaient décidément des créatures bien compliquées, au point de requérir une certaine aide pour trouver une personne avec qui vivre !

C'est alors que la porte s'ouvrit à nouveau. Dressant les oreilles, la Laüd porta son regard vers l'entrée de la demeure, pensant qu'Éléazar avait décidé de les rejoindre. Cependant, ce ne fut pas l'Ar qui apparu, mais la jeune femme nordique qui vivait avec sa sœur. L'Humaine s'avança, tout en s'adressant à la petite qui se trouvait déjà en ces lieux. La Laüd ne baissa pas sa garde pour autant. La porte venait de s'ouvrir pour la seconde fois, ce qui sembla causer un certain trouble aux deux Humaines, ces dernières allant chercher refuge derrière elle. Pourtant, cet homme ne semblait pas être bien dangereux... Si cela lui avait été possible, Zelfyne aurait sans doute soupiré. Les Humains étaient des créatures bien étranges...

C'est avec un clin d'oeil que Solveig accueillit Ermaelle dans sa super cachette derrière la Laüd. Elle cru d'ailleurs percevoir un soupir chez cette dernière, mais la fillette n'était sûre de rien.
Se redressant légèrement sur la pointe des pieds, la petite fille observa le haut du crane de Gastor qui semblait observait autour de lui.

- J'étais sûr de l'avoir vu ici... Dame Ermaelle ?! appela le chevalier

Mais devant l'absence de réponse, le jeune homme préféra remonter la petite rue à la recherche de la jeune femme. Il l'avait vu, et elle lui avait dit qu'elle allait prendre l'air !

Le suivant du regard, et attendant qu'il soit assez éloigné pour discuter tranquillement, Solveig se tourna vers Ermaelle et se mit à murmurer :

- Tu te trompes ! Ismelle l'a fait exprès ! Elle en parlait avec Baba quand il était en convalescence ! Je les ai entendu !

Un cri vint de plus loin, Gastor appelait une nouvelle fois Ermaelle.

- Et lui aussi il doit être au courant ! Il ne te suivrait pas comme ça sinon !

La fillette acquiesçait à sa propre remarque. Il fallait vraiment sortir la jolie dame rousse de ce pétrin ! Solveig voulait vraiment qu'elle rencontre Asmundr et qu'ils vivent une belle histoire d'amour comme celle de Farban et Ismelle... Mais fort était de constater que si Ismelle vivait une belle histoire, elle était incapable d'en trouver une correcte pour ses amis.

- Tu mérite mieux que lui, et ton cas n'est pas perdu ! Tu rencontreras l'homme parfait bientôt, j'en suis sure !

Avec un peu de son aide, évidemment.

Finalement, danser était la pire idée du monde.

Ebao l'avait déjà compris quand Eléazar avait feint de ne rien entendre, mais il était maintenant sûr et certain qu'il aurait du rester cloué à sa chaise... Bon, c'est vrai qu'il était rassurant de constater qu'Eléazar ne lui en voulait pas, et que toute cette histoire de lettre n'était qu'une mascarade d'Olrän, mais de là à l'inviter danser ! Il aurait mieux fait de penser que le gardien avait des choses à lui reprocher, jamais il ne se serait embarqué dans cette histoire.

Il fallait ajouter à ça, que si Ebao connaissait parfaitement bien les pas de danse dû à son éducation de "qualité", il les faisait tous d'un air mécanique et n'arrivait pas à sourire de la situation.
Rapidement, sa cavalière sembla également se renfrogner, et si elle avait été ravis de ne pas finir avec le frère géant d'Ismelle, elle regrettait soudain d'avoir tant voulu partager cette danse avec le chevalier ! Il était juste imbuvable !

Quand la musique se termina et qu'ils eurent chacun effectués une révérence poli, les deux partenaires retournèrent à leur place sans demander leurs restes. Ebao se laissa tomber sur sa chaise sans attendre Eleazar et soupira pour que seule Ismelle l'entende :

- J'aurais vraiment pas du.


Le repas en venait au plat principal, et c'était dans la culture Vaïudienne d'offrir les cadeaux à ce moment là. Aussi, tout juste était-il assit qu'Ebao put observer le couple ouvrir leurs cadeaux.
Eleazar était maintenant revenu à sa place et le chevalier ne pu s'empêcher de partager ses pensées avec lui... Surement une habitude prise avec leur correspondance.

- J'espère que les statuettes vont leur plaire. Le jeune homme eut un air amusé... Il faut admettre que j'en ai bavé pour ces statuettes.

Alors que Gastor la recherchait, espérant obtenir une réponse à ses appels, Ermaëlle se contentait de garder le silence. Bientôt, les pas du chevalier s'éloignèrent, ce dernier remontant la rue. La jeune femme espérait juste que cette distance lui permettrait de discuter quelques instants avec Solveig sans risquer de se faire repérer. Que dirait-elle au chevalier s'il la retrouvait ici, cachée comme une enfant qui aurait commis une bêtise ? En voilà une situation des plus étranges, pour ne pas dire puérile... Toujours est-il qu'au bout de quelques instants, Solveig tourna la tête dans sa direction.

Rendant son regard à l'enfant, l'enlumineuse écouta attentivement ses propos, fussent-ils murmurés. Ismelle et Ebao ? De mèche ? Ermaëlle devait avouer qu'elle avait du mal à y croire. Pourquoi ses amis en étaient-ils arrivés à une telle extrémité ? Le fait que l'ancienne esclave préfère la solitude aux bras d'un homme n'était pourtant pas un fait inconnu de la jeune mariée. L'enlumineuse préférait s'imaginer seule, plutôt que de se bercer d'illusions. Un homme de ce Royaume ne se risquerait pas à s'unir avec une étrangère, plus encore si cette dernière était originaire de l'Empire. Le sang n'avait que trop coulé, pour que ce fait soit accepté sans un mot par le reste de la communauté... Sa présence n'était que tolérée, rien de plus... Ermaëlle en avait parfaitement conscience...

« Allons, Solveig, la vérité est peut-être plus complexe qu'elle n'en a l'air. Ismelle veut que je rencontre du monde. Elle veut que je m'intègre à cette ville, et c'est tout à son honneur de m'y aider. Je peux tout à fait discuter avec un homme sans que ce dernier ne songe à m'épouser, ou que je ne puisse nourrir une pareille idée à son égard. » commenta la jeune femme, visiblement pensive.

C'est alors que la voix de Gastor retentit à nouveau, ce qui arracha un soupir à Ermaëlle. Elle n'avait demandé que quelques instants de tranquillité, rien de plus. Était-ce si si étonnant ? Si incompréhensible ? D'autres personnes avaient fait de même pendant la soirée, et personne n'avait trouvé que leur comportement sortait de l'ordinaire. Jouant quelques instants avec l'une de ses mèches, l'enlumineuse  devait avouer que le comportement du chevalier était quelque peu étrange. Mais de là à penser qu'Ismelle, et Ebao d'une certaine façon, étaient derrière tout cela... La jeune femme n'était pas certaine de vouloir franchir ce pas...

« Ismelle a sans doute parlé de moi à Gastor afin que ce dernier ne soit pas surpris en me rencontrant. rétorqua Ermaëlle, tout en glissant sa mèche derrière son oreille gauche. Et s'il me suit, c'est sans doute car j'ai quitté la table précipitamment tout à l'heure, rien de plus. Le fait qu'il s'inquiète quelque peu n'est pas pour autant un signe qu'Ismelle lui ait demandé me faire la cour... »

L'ancienne esclave se souvenait sans mal de la mine de Gastor, quand elle lui avait adressé la parole pour la première fois. Si l'idée de la charmer était venue à l'esprit du chevalier à un moment, elle s'était envolée quelques instants plus tard. Ermaëlle en avait la certitude. Solveig n'était qu'une enfant, et sa vision de l'Amour en devenait des plus touchantes. A ses yeux, il ne suffisait sans doute que de s'aimer pour que le reste n'ait plus aucune importance, comme dans certains contes dont les enfants raffolaient. Dans de pareilles histoires, un Prince pouvait tout à fait épouser une simple paysanne sans que d'autres en prennent ombrage. Dans de pareilles histoires, trouver son âme-sœur était d'une grande simplicité, les personnages se reconnaissant au premier regard... Dans de pareilles histoires, tout était bien plus simple... Mais dans la réalité, les choses étaient bien différentes... Les paysannes n'épousaient pas les Princes, les étrangères n'épousaient pas d'Hetenlaüdors... Le sang et les larmes avaient séparés leurs deux Peuples, au même titre que les montagnes... La colère n'avait que trop enflé dans les cœurs avec les siècles, pour qu'une telle possibilité soit envisageable sans que les regards dédaigneux ne se chargent de haine...

« Solveig... reprit Ermaëlle, avec un nouveau soupir. Les choses sont bien plus compliquées qu'elles n'en ont l'air... Même si Gastor était réellement intéressé par ma personne, il se détournerait de moi pour une autre. Mes ancêtres ont sans doute affronté les siens, il y a de cela des siècles. La haine entre Hetenlaüdors et Kartendarkors est bien trop ancienne, bien trop ancrée, pour qu'une femme comme moi puisse espérer épouser un homme en ces lieux... Aucune famille n'accepterait une chose pareille... Cela reviendrait à s'allier avec une ennemie, aux yeux des autres... Ismelle le sait, j'en suis certaine. La jeune femme se tut quelques instants, avant de reprendre. Mais si cela peut te faire plaisir, j'irai échanger quelques mots avec elle, afin de tirer cette histoire au clair. »

Ermaëlle préférait tout de même attendre la fin des festivités pour avoir une telle discussion avec son amie. Cela éviterait à l'ancienne esclave de retenir inutilement la jeune mariée, qui aurait sans doute beaucoup mieux à faire pour que la fête se poursuive sans accroc. Mieux valait éviter de la déranger pour un sujet si peu important, et qui pouvait tout à fait attendre. L'enlumineuse pourrait même l'interroger dans les jours suivants, si une occasion ne se présentait pas au cours de la soirée. Ce n'était pas un problème pour elle.

Si Éléazar avait fait en sorte de se remémorer les pas de danse à effectuer pour suivre la cadence imposée par la musique, l'exercice se révéla tout de même plus compliqué que l'Ar n'avait pu l'imaginer ! Cela faisait décidément bien longtemps, trop sans doute, que le forgeron ne s'était pas essayé à un tel exercice ! Heureusement qu'il pouvait compter sur la présence des autres danseurs quand sa mémoire lui faisait défaut ! Le jeune homme avait également remarqué que son imprévue partenaire n'hésitait pas à le guider, quand cela lui semblait nécessaire. A cet instant précis, l'Ar ne pu s'empêcher de songer qu'il était bien meilleur combattant que danseur ! D'un autre côté, au vu de sa fonction, les choses étaient bien mieux ainsi !

Au fil des pas, la musique semblait s'adoucir. Bientôt, elle ne fut plus qu'un souvenir, les musiciens s'étant arrêtés. Il était temps de passer à une autre danse, sans doute. Saluant poliment la jeune femme avec qui il avait partagé ces quelques minutes, Éléazar s'en retourna ensuite à sa place. Quant à Ebao, il s'était déjà réinstallé. Tout en adressant un sourire au chevalier, l'Ar se rassit avant de se saisir de son verre, afin de rafraîchir. Il en aurait des choses à raconter, à son retour au Panlaüd ! Et la soirée commençait à peine ! Il faudrait encore attendre plusieurs heures, avant que certains ne soient obligés de rejoindre leur logis... Parfois contre leur gré !


Ebao avait bien peu de chance, ce soir. Entre son frère qui décidait de lui cacher certaines choses, Solveig qui s'en prenait verbalement à certains invités, Éléazar qui ne prêtait pas attention à ses paroles et ses deux amies qui avaient décidé de les séparer, on ne pouvait pas dire que la soirée se déroulait au mieux pour le chevalier ! Ismelle lui offrit un sourire réconfortant. Les choses s'arrangeraient, elle y veillerait personnellement. Il y avait des sentiments qu'il était impossible de faire taire. Certains parlaient de volonté des Dieux, d'autres de Destin, ou juste de Lien. Un Lien, un fil invisible, qui se tissait entre deux personnes pour ne jamais se briser. Et la jeune femme avait envie de croire qu'un tel phénomène s'était produit entre Ebao et son frère, comme cela avait été le cas pour elle et Farban.

« Ebao, ne dis pas une chose pareille... commença Ismelle, en chuchotant. Ton idée n'était pas mauvaise. Au contraire... »

La jeune femme n'eut cependant pas le temps de poursuivre sa phrase. Son frère avait quitté la piste de danse, afin de rejoindre sa place. Ismelle détourna son attention du chevalier, portant son regard sur son petit frère. Il finirait par ouvrir les yeux. Ou plutôt, par les rouvrir. La jeune mariée en avait la certitude. A une autre époque, son frère n'avait aucun problème avec cette part de son Être. Que c'était-il passé pendant ces quelques années pour que les choses changent à ce point ? C'était la première fois qu'Ismelle faisait face à un telle revirement de situation...


Alors que les principaux mets étaient apportés, les présents furent amenés aux mariés. A cet instant, Ismelle et Éléazar échangèrent un regard. Le moment de vérité était venu. Il ne restait plus qu'à espérer que l'épée plairait à Farban, qu'il accepterait de la nommer, et de l'utiliser. Aux yeux de l'Ar, ces deux actes avaient la même importance. Une lame sans nom ne valait pas mieux qu'un simple couteau. La nommer lui donnait une toute autre importance, une histoire. Elle en devenait presque dotée d'une âme. En temps normal, le forgeron demandait toujours au destinataire de l'arme s'il avait déjà pensé à un nom, pour elle. Mais le cas de Farban était particulier. La lame devant être une surprise, l'Ar n'avait pas pu s'en remettre à son rituel habituel.

« Elles leur plairont, j'en suis certain. répondit le jeune homme, à voix basse, un sourire amusé aux lèvres. Ton sacrifice sera apprécié à sa juste valeur, tu verras. »

Les statuettes... Quelle aventure ! Éléazar se souviendrait encore longtemps de cette journée ! Et dire qu'il n'était venu que pour se procurer du cuir, ce jour-là ! Au final, Ebao avait affronté un colosse, l'Ar avait du en découdre avec un troupeau de taureaux enragés, et le chevalier avait fait son baptême de l'air sur le dos de Zelfyne ! A ces pensées, le forgeron du se retenir de rire. On pourrait croire à un mensonge, tant la situation semblait extravagante ! Toujours est-il que l'Ar ne se faisait pas de souci ! Ismelle et Farban apprécieraient le cadeau du chevalier ! C'était une certitude, à ses yeux ! Alors que le forgeron reportait son attention sur sa sœur, il remarqua qu'Ermaëlle avait reprit sa place. Gastor ne tarderait sans doute pas à les rejoindre. La remise des présents étaient le point d'orgue de la soirée ! C'était le moment à ne pas manquer !

Ce que dit Ermaelle eut l'effet de rassurer la petite fille.

Gastor n'avait donc aucune chance ? Tant mieux ! De toute façon, Ermaelle devait également sentir dans son fort intérieur que cet homme n'était pas assez bien pour elle, malgré ce qu'elle en disait ! C'était étrange la manière dont elle semblait se dévaloriser à côté de lui ! Alors que c'était une femme forte ! Qui avait réussi à faire un grand voyage et qui n'avait jamais rien demandé à personnes ! Elle ne valait pas moins que Gastor, du moins, pas aux yeux de la jeune enfant qui de toute façon considérait que les femmes étaient plus fortes que tous les hommes quand elles en oubliaient d'êtres des dames.

- Oh ! Alors Ismelle sera déçue si rien n'est possible entre toi et Gastor !

Pauvre pauvre Ismelle.... Elle ne savait vraiment pas ce qui l'attendait... Mais de toute évidence, personnes n'était dupe quand au peu de chances qu'avait Gastor pour plaire à une aussi belle dame qu'Ermaelle !

Solveig se retint de lâcher un rire satisfait ! Ermaelle serait la compagne idéale pour Asmundr et dès qu'elle aura arrangé leurs rencontre, les deux tourtereaux ne pourront plus jamais se quitter (foi de Solveig !).

Rassurée, et affamée, Solveig suivit la rouquine à l’intérieur de la salle de réception et allait retourner s'asseoir à côté de Rou. Maintenant que les soucis amoureux d'Ermaelle était réglé (et que la jeune femme allait personnellement se charger du cas Ismelle) Solveig pouvait se concentrer à embêter son amoureux et lui rappeler en permanence qu'elle existait, ce que le petit garçon semblait apprécier.

Ebao écoutait Ismelle encore tenter de vainement le réconforter. A croire que la jeune femme se faisait autant d'illusions que lui... Mais comment le lui reprocher ? Elle avait toujours été aux premières loges des déboires sentimentaux d'Ebao vis à vis de son petit frère. Elle devait dans son fort intérieur espérer qu'il l'a laisse enfin en paix avec ses histoires d'Eléazar.
Aussi, le chevalier se contentait d'hausser les épaules.

La réponse du gardien le fit sourire, il semblait garder un bon souvenir (à posteriori) de cet rencontre inopinée. Pourtant, il fallait admettre que rien ne s'était vraiment déroulé comme prévu, entre l'homme le plus fort du monde et les taureaux... Cela fit tout de même plaisir au chevalier que le jeune homme à ses côté ne semble en aucun cas considérer ce moment passé à deux comme un souvenir des plus désagréables.

- J'éviterai tout de même de leur parler de ma défaite face à l'homme le plus fort du monde, ils pensent encore que j'ai été alité à cause des taureaux, que cela reste ainsi, déclara-t-il dans un éclat de rire.

Puis il repensa à son cadeau, s'il avait été aux Kyls, il aurait offerts de véritables chèvres, et cela chagrinait toujours le chevalier de ne pas avoir pu les leur offrir.

Aussi, et sans vraiment qu'il s'en rende compte, il commença à parler à Eléazar de la signification des chèvres dans sa culture... Le fait qu'elles étaient affiliées au dieu bouc, le dieu de l'amour et qu'on en offrait toujours aux jeunes mariées pour qu'ils puissent commencer un troupeau et nourrir leur famille. Il expliquait également la légende du dieu bouc, sa naissance, sa vie et sa relation avec le dieu de la haine.

Il ne doutait pas qu'en Vaïudien convaincu, Eléazar écoutait juste par politesse, mais il se devait d'expliquer pourquoi ces statuettes étaient aussi importantes et significatives....
Puis, avec un peu de chance, quand Ebao épouserait une dame qui serait trop idiote pour l'éviter comme la peste, Eléazar lui offrirait des chèvres... C'était tellement déprimant comme idée... Surtout que comme il le dit au gardien, il pouvait s'attendre à ce que sa famille lui en expédie directement des Kyls pour son mariage. N'a un troupeau que les couples mariés.

Pendant sa longue explication, les cadeaux défilaient, et Ebao applaudit à plusieurs reprise, prit une pause pour observer les visages émerveillés des mariés et rit devant certains cadeaux incongrus.
Un coup d'oeil sur la droite l'informa tout de même que Gastor était revenu faire la court à Ermaelle... Le plan d'Ismelle était-il toujours en marche ?

Le repas suivit et la discussion varia sur les différences entre les deux religions en règle général. Sur comment les Vaïdors avaient tendance à voir les Laüds comme les descendants de leur dieu, tandis que les païens les voyait plus comme des frères. C'était intéressant, il fallait l'admettre, même s'il était clair que ni l'un ni l'autre ne changerait d'avis en matière de religion. Cependant, il était finalement tellement facile de parler avec Eléazar qu'Ebao était plus occupé à ne pas trop visiblement le dévorer du regard plutôt qu'à critiquer une autre religion.

Vers la fin du repas, et tandis qu'ils discutaient avec Farban et Eléazar d'armes, et notamment de l'épée que venait d'offrir Ismelle à son époux, Solveig vint s'asseoir sur les genoux de son tuteur et s'endormir tranquillement. Ce dernier la laissa faire et préféra continuer de parler, du moins pour le moment.

Il allait bien falloir partir.

Après sa discussion avec Solveig, Ermaëlle avait rejoint la salle en compagnie de la fillette. Toutes deux avaient retrouvés leurs places, et les réjouissances avaient suivi leur cours. Aux cadeaux avaient succédé la suite du repas. Par la suite, les danses avaient reprit. Puis, les heures avançant, la salle s'était vidée. Les différentes branches de la famille de Farban étaient chacune reparties de leur côté et les musiciens avaient soigneusement rangés leurs instruments avant de faire de même. Les seules personnes qui restaient encore étaient les plus proches parents des mariés, à savoir la fratrie de Farban, leurs parents, sans oublier Éléazar, ainsi qu'Ebao et quelques unes des amies d'Ismelle. Solveig semblait somnoler sur ses genoux de son tuteur. D'autres personnes étaient également présentes, et si l'ancienne esclave était certaine qu'il s'agissait de membres de la famille du marié, elle devait avouer qu'elle n'avait pas la moindre idée du lien qui les unissait. Sans doute des cousins et des cousines les plus proches du jeune homme, ainsi que ses oncles et tantes.

Des discussions animaient les quelques groupes toujours présents. Du moins, pour ceux et celles qui avaient encore les idées claires. D'autres personnes avaient eu bien moins de chance, à ce sujet, et certains membres de leur famille tentaient de les raisonner afin de les emmener dans un endroit où elles pourraient se reposer. Ermaëlle avait préféré rejoindre la mère de Farban, qui avait entreprit de constituer une petite troupe afin de remettre un peu d'ordre. Le but n'était pas tant de ranger la totalité de la pièce, mais au moins de commencer le travail, pour ceux qui en avaient encore l'énergie. La fin du nettoyage serait effectuée le lendemain, sans doute, et par les personnes qui en seraient capables.

Tout en effectuant les tâches qu'on acceptait de lui confier, Ermaëlle guettait une ouverture, un moment où Ismelle serait seule afin qu'elles puissent discuter quelques instants. Gastor ayant quitté les lieux en même temps que la plupart des invités, la jeune femme n'avait plus à se soucier de lui. Ils s'étaient séparés en bons termes, bien que l'enlumineuse doutait de revoir le chevalier un jour. Ou alors, cela serait dû au hasard le plus total. Peut-être se recroiseraient-ils au détour d'une rue, ou pendant d'autres réjouissances.

« Tout va bien, Ermaëlle ? s'enquit Ismelle, en passant non loin d'elle, les bras chargés de quelques assiettes.
- Hum ? Oh, tout va bien, oui. Velya m'a assigné aux restes, comme tu peux le constater. répondit l'ancienne esclave, en indiquant les nombreux plats qui s'entassaient sur la table présente dans la cuisine.
- Je ne pensais pas qu'il restait autant de choses ! commenta la jeune mariée. Les Jouvencelles apprécieront sans aucun doute toute cette nourriture ! »

Ermaëlle se contenta de hocher la tête, avant de se remettre au travail. Velya avait été très claire. Une partie de la nourriture serait conservée afin de nourrir les invités qui passaient la nuit en ces lieux. Le reste devait être soigneusement empaqueté, pour ce qui était de la nourriture qui n'avait pas été cuisinée, ou placé dans des récipients de terre cuite que les Jouvencelles avaient prévu à cet effet et remit à la maîtresse des lieux quelques jours avant le commencement des festivités. D'après ce que l'ancienne esclave avait compris, chaque famille se devait de mettre un peu de nourriture de côté, lors de telles réjouissances. Les Jouvencelles de Vaïud venaient ensuite la récupérer, afin de l'offrir aux personnes dans le besoin. Le clergé de Vaïud se partageait cette tâche avec la chapelle païenne. Le matin, il revenait aux Jouvencelles de remettre la nourriture récoltée, tandis que le clergé païen prenait la relève peu de temps avant que la nuit ne tombe.

« … Ismelle ? Nous pourrons discuter quelques instants ? finit par demander la jeune femme. Enfin... Une fois que j'aurai mené ma tâche à bien ?
- Bien sûr ! Laisse-moi te donner un petit coup de main ! Les Jouvencelles ne vont pas tarder, et il serait dommage qu'elles ne puissent pas emporter ces mets avant le Don de l'Aube ! »

Se saisissant de la première louche qui lui tomba sous la main, la mariée entreprit de remplir un nouveau récipient. Ermaëlle du se retenir de rire. Même à cette heure tardive, Ismelle avait toujours de l'énergie à revendre ! De quel type de sorcellerie pouvait-il bien s'agir ? Bientôt, les deux amies trouvèrent leur rythme de travail, la mariée remplissant les larges pots, tandis que son amie les scellait. A elles deux, il ne leur fallut pas longtemps pour mener la tâche à bien. Le dernier récipient fermé, Ismelle interpella l'une des cousines de celui qui était désormais son époux, lui demandant de guider les Jouvencelles jusqu'ici lorsqu'elles se présenteraient. Ensuite, les deux jeunes femmes se faufilèrent jusqu'au jardin qui se trouvait derrière la demeure des Akarm.

Avec la nuit, le froid s'était fait plus fort, plus présent. Ermaëlle n'était pas réellement dérangée par ce fait. Du côté d'Ismelle, la situation était toute autre. Pour ne pas souffrir du climat, la jeune femme avait subtilisé la cape de Farban. N'ayant pas retrouvé la sienne, c'était le seul moyen qu'avait trouvé la mariée pour ne pas finir frigorifiée. Les deux amies marchèrent quelques instants, avant de s'asseoir sur un petit banc de pierre, qui se trouvait non loin de ce qui semblait être des rosiers, bien que ces derniers aient déjà perdu leurs fleurs depuis fort longtemps. Tout était calme. Bien plus calme que l'ambiance qui régnait encore au sein de la demeure, où le rangement devait encore battre son plein. Le froid faisait que personne n'avait songé à venir en ces lieux.  

« De quoi voulais-tu me parler ? s'enquit Ismelle, en s'enveloppant convenablement dans la cape de son époux.
- C'est au sujet de Gastor, pour ne rien te cacher. commença l'autre jeune femme. Solveig m'a dit que tu avais parlé de lui à Ebao, alors qu'il était en convalescence...
- C'est fort possible, en effet. Après tout, ils sont collègues. Cela ne serait pas étonnant. commenta la mariée.
- … Elle pense que tu l'as chargé de...
- De ? répéta Ismelle, intriguée.
- … De me faire la cour... » lâcha l'ancienne esclave, avec une pointe d'amertume.

Un silence suivit cette déclaration. Ismelle dévisagea son amie, ne sachant que dire. Gastor était censé faire connaissance avec Ermaëlle. Par la suite, cela aurait été à eux de décider s'ils souhaitaient se revoir ou non. Bien évidemment, si les choses s'étaient bien passées, la jeune mariée n'aurait pas hésité à donner un petit coup de pouce au Destin. Mais d'après la réaction de son amie, fort était de constater que rien ne s'était passé comme prévu...

« … Je voulais juste t'aider un peu... Que tu sois heureuse comme moi je peux l'être en ce moment... avoua la jeune femme aux cheveux sombres.
- … J'ai baissé dans son estime au moment même où je lui adressé la parole pour la première fois... répliqua Ermaëlle, toujours amère.
- … Il n'est pas habitué comme Farban et moi pouvons l'être... Voilà tout...
- Pourquoi te mêles-tu de cela ? Pourquoi ? Je... Je ne veux pas de cette vie... Personne n'en voudrait...
- Ne sois pas si dure avec toi-même... Les autres finiront par s'habituer...
- Tout le monde n'est pas comme toi, Ismelle... »

Sans en dire d'avantage, Ermaëlle se leva, s'éloignant du banc. Ainsi, Solveig avait dit la vérité... Ismelle avait bel et bien fait en sorte que Gastor lui fasse la cour... Ermaëlle ne savait pas quoi penser de cette situation... Elle se sentait comme... flouée. Son amie connaissait ses positions, au sujet des histoires de cœur... Tout le monde n'était pas comme elle, ou comme Farban. Tout le monde ne pouvait pas oublier son accent, ou ses origines. Tout cela avait une grande importance.. Une trop grande importance... Qu'importe son côté de la frontière, l'ancienne esclave finirait ses jours sans la moindre parentèle de sang... Les choses étaient ainsi faites...

« … Ermaëlle... reprit Ismelle. Je ne pensais pas que cela te blesserai... Je ne voulais pas...
- … Tu as de la chance, Ismelle. Beaucoup de chance... J'espère que rien ne pourra te séparer de Farban. Que vous vivrez de longues années ensemble... Mais sur ces terres, une telle vie n'est pas pour moi...
- … Penses-tu encore à lui ? Est-ce cela qui t'empêche d'accepter une nouvelle histoire ici ? » s'enquit l'autre jeune femme, sur un ton doux.

Tymor... A cette pensée, le cœur d'Ermaëlle se serra. Elle l'avait aimé, c'était un fait... Hélas, tout cela n'était qu'un doux passé... De simples souvenirs... Tymor avait sans doute refait sa vie... Une vie d'homme libre, de guerrier... Une vie dont il avait toujours rêvé... Une vie dont elle ne faisait plus, et ne ferait plus jamais, partie... A présent, ils n'étaient plus que des étrangers...

« … Non. Je ne pense plus à lui... Il m'a remplacé, mais je ne compte pas faire de même... Prend soin de Farban autant qu'il prendra soin de toi. Je vais vous laisser, si vous n'avez plus besoin de moi... »

Sans attendre la réponse d'Ismelle, Ermaëlle quitta le jardin dans le silence le plus total. Traversant la demeure, il ne fallut pas longtemps à la jeune femme pour se retrouver dans la rue. Où aller ? L'ancienne esclave aurait du se rendre à l'auberge, mais le fait était qu'elle n'avait pas d'argent sur elle, sa bourse se trouvant toujours chez Ebao, avec le reste de ses affaires. Elle pouvait toujours essayer de se rendre chez le chevalier... Le personnel de la demeure accepterait sans doute de lui ouvrir, le temps qu'elle récupère ses effets...

Ainsi, Ismelle et Farban ne savaient rien de la vérité ? D'un autre côté, c'était sans doute mieux ainsi ! Éléazar connaissait assez bien sa sœur pour savoir qu'elle n'aurait pas hésité à rappeler son exploit à Ebao, dès qu'elle en aurait eu l'occasion ! Réflexion faite, mieux valait que tout cela soit passé sous silence ! Même si le combat avait eu lieu sur la place publique, ce n'était pas pour autant qu'il fallait que tout le monde soit au courant des tenants et des aboutissants de cette affaire ! Se faire blesser par un taureau avait le don d'être digne d'un chevalier, sans doute !

« Je tiendrai ma langue, dans ce cas. ironisa l'Ar. Ça sera notre petit secret. » termina-t-il, non sans un clin d’œil complice.

Alors que le forgeron s'intéressait toujours aux présents reçus par les mariés, Ebao entreprit de lui expliquer pourquoi il voulait tant offrir des chèvres aux deux jeunes gens. D'après les propos du chevalier, il s'agissait d'une tradition qui découlait du Dieu Bouc, qui était également celui de l'Amour. L'Ar fut également surpris d'apprendre que seuls les couples mariés pouvaient se targuer de posséder un troupeau, afin de subvenir aux besoins de leur future famille. Aussi, ils revenaient à leurs proches de leur offrir leurs premiers animaux, afin qu'ils puissent commencer à composer leur cheptel. Pour les Vaïudiens, les choses étaient différentes. Si des présents restaient identiques qu'importe les familles, d'autres étaient plus variés, en fonction des traditions, ou des domaines de prédilection de chacun.

La discussion des jeunes gens ne fut interrompue qu'au moment où Farban reçu l'épée qui lui était destinée. Guettant sa réaction, Éléazar se tut, de même que son aînée. Tout deux ne cachèrent pas leur joie, et leur soulagement, quand le jeune homme assura que l'arme lui serait utile... et qu'il devrait d'ailleurs y prêter la plus grande attention s'il ne voulait pas que quelqu'un finisse par lui '' emprunter '' son bien ! L'épée retrouva ensuite son fourreau, mais Farban trouva préférable de la garder à ses côtés, la posant entre Ismelle et lui. De cette manière, le chevalier n'aurait aucun problème pour dégainer son arme, si la situation l'exigeait !

D'autres présents furent amenés aux mariés. Parmi eux se trouvaient deux ouvrages, tout deux offerts au couple par Ermaëlle. L'un d'eux était d'ailleurs de sa main. Par la suite, une curieuse enveloppe arriva jusqu'aux mains d'Ismelle. Farban expliqua qu'il s'agissait de son propre présent, et que son épouse devrait attendre qu'ils soient seuls avant de l'ouvrir. Si la jeune femme sembla surprise, elle accepta tout de même de se plier à cette règle, même si son frère savait que sa curiosité avait été piquée au vif !

Tout en profitant de la suite du repas, le chevalier et l'Ar eurent également l'occasion d'échanger au sujet des différentes notables entre leurs religions respectives. Bien qu'étant Ar, le forgeron devait avouer qu'il ne se comportait pas toujours comme le plus pieux des Vaïudiens. Il avait toujours préféré le terrain d'entraînement à la chapelle ! Sans être houleux, leurs échanges furent plus animés au sujet des Laüds, païens et Vaïudiens n'ayant décidément pas la même vision des choses à ce sujet ! Cela rendait la discussion plus intéressante encore, aux yeux d'Éléazar !

Le repas terminé, les premiers départs furent annoncés. Bientôt, il ne resta plus que les plus proches parents des mariés, ainsi qu'une partie de leurs amis. Tandis que certaines personnes raccompagnaient celles qui ne pouvaient plus faire par leurs propres moyens, d'autres discutaient entre elles, ou participaient au rangement des lieux. Éléazar échangeait toujours avec Ebao et Farban. Le sujet de la religion avait été abandonné, les jeunes hommes préférant s'intéresser à l'épée qu'avait reçu le marié. Par la suite, la discussion avait dévié sur l'armement en règle générale. A un moment, Solveig s'était approchée de son tuteur, et s'était installée avec lui. Par la suite, la petite était tombée endormie. A cette vue, le forgeron avait esquissé un sourire. Il ne doutait pas un seul instant que cette journée resterait gravée à jamais dans la mémoire de la petite !

Alors que la nuit était déjà bien avancée, ce fut au tour des amis des jeunes époux de prendre congé. Certains des membres de la famille de Farban, qui logeaient au sein de la demeure familiale, avaient également quitté la grande salle afin de prendre un peu de repos. Si Éléazar faisait partie de ces personnes, les parents de son beau-frère lui ayant proposé un toit pour la nuit, le jeune homme ne partit pas se coucher immédiatement. Il préféra offrir son aide aux quelques personnes qui s'activaient toujours, afin de remettre un peu d'ordre dans la demeure. L'Ar se rendit aussi aux côtés de Zelfyne. Du moins, c'était là son idée, jusqu'au moment où Éléazar se rendit compte que la Laüd avait quitté les lieux. Sans doute avait-elle rejoint le Parc Suspendu, comme elle le faisait à chaque fois que leurs séjours à la capitale s'éternisaient quelque peu.

Toujours est-il qu'Éléazar ne s'attarda pas d'avantage à l'extérieur. Retournant au sein de la demeure, le jeune homme ne put s'empêcher de songer qu'une étrange ambiance s'y était installée. Une partie des bougies avaient été mouchées, et le lieu était on ne peut plus silencieux, si l'on oubliait les quelques pas qui se faisaient encore entendre ici et là, prouvant que toute la demeure n'était pas encore endormie. Il était impossible de dire qu'il y a encore quelques heures, des personnes s'amusaient sur la piste de danse ou riaient aux éclats. C'est donc sur la pointe des pieds que l'Ar gravit les marches. Il ne lui fallut pas longtemps pour trouver la chambre qui lui avait été attribuée. Le nombre de personnes qui logeaient pour la nuit en ces lieux étant assez important, des lits d'appoint avaient été mis en place, et il n'était pas rare qu'une pièce contienne trois ou quatre dormeurs ! Aussi, quand le forgeron se faufila dans la chambre qui lui était destinée, deux des cousins de Farban s'y trouvaient déjà, profondément endormis. L'Ar rejoignit son lit en silence, avant de s'y coucher.

Alors qu'il cherchait le sommeil, le jeune homme fut prit d'une sorte de mélancolie. De nostalgie. L'obscurité favorisait toujours de tels sentiments, plus encore après qu'une joie intense se soit produite. Éléazar se souvenait encore de certaines journées qu'il avait passé avec sa sœur aînée, alors qu'ils n'étaient que des enfants. Ils passaient des heures à jouer ensemble, quittant volontiers le jardin qui jouxtait la demeure de leur famille. Cela leur valait toujours des remontrances de la part de leur mère ! Le jeune homme esquissa un petit sourire à cette pensée ! Ils étaient jeunes et innocents, à l'époque ! Et à présent, sa sœur était mariée ! Le temps passait si vite...  L'Ar tenta de  chasser ses pensées de son esprit, fermant les yeux à la recherche du sommeil. Au bout de quelques minutes, la fatigue finit par avoir raison de lui et de ses pensées persistantes.

Au regard que lança Ismelle en voyant les statuettes, elle était clairement rassurée. Peut-être s'attendait-elle à de véritables chèvres ? Depuis le temps qu'elle connaissait Ebao il avait en effet du lui parler de ses coutumes de pécores.

Jetant un coup d'oeil à se pupille endormie, Ebao lâcha un soupire et s'excusa auprès de Farban et Eléazar. Il ferait mieux de rentrer.
Tâchant de ne pas réveiller Solveig tandis qu'il remettait sa cape (la gamine avait de toute façon le sommeil lourd et ne réagit même pas quand elle se retrouva au chaud sous la cape d'Ebao), le chevalier salua ses amis, félicita une dernière fois les mariés et rentra chez lui.

Solveig dormait encore quand Demelza ouvrit la porte de la maison :

- Olrän ? demanda immédiatement Ebao

- Il est rentré beaucoup plus tôt. Il a demandé à ce que l'on laisse la chambre d'ami à Dame Ermaelle.

Ebao acquiesça. Son frère était un crétin, mais un crétin qui savait offrir l'hospitalité au moins.

- Je vous remercie Demelza. Allez donc vous coucher.

Et tandis que la servante s'occupait à verrouiller la porte, Ebao montait pour aller déposer la petite fille dans son lit. La bordant, il lui déposa un baiser sur le front en murmurant un "Bonne nuit fripouille" et se tourna vers la porte pour rejoindre sa propre chambre.
Là, dans l’entrebâillement, il vit la haute silhouette d'Olrän qui lui tendait un bout de parchemin blanchit.

La lettre.

Ebao la saisit rapidement, sans un mot pour son petit frère et la lu, en silence.

C'est Olrän qui parla.

- Je ne voulais pas qu'il te fasse encore du mal.

C'était juste la suite de leur discussion. Eléazar ne voulait pas d'une relation à distance, Ebao le savait déjà..

- Ebao.. J'ai fais ça pour toi, vraiment. C'est qu'un idiot, il a peut-être semblé amoureux quand il était enfant, il t'a peut-être embrassé il y a quelques années, mais pour lui ça ne signifie pas la même chose que toi.

Le chevalier repliait calmement la missive. Merci de souligner tous ces points douloureux et déjà bien connus, Olrän.

- Il ne te mérite pas, et il faut que tu arrêtes de te torturer avec lui. ... Ecoute... J'ai un professeur d'épée fine à l'académie. Il doit avoir la trentaine et vu comment il regarde certains de ses collègues je parie qu'il pourrait être intéressé. Laisse moi te le présenter.

- Olrän je n'ai pas besoin que tu me présentes qui que ce soit, j'ai juste besoin que tu laisses mon courrier tranquille !

- Crois moi quand je dis que tu en as besoin ! Je vais te le présenter, et quand vous parlerez armes, il t'hypnotisera avec ses yeux presque verts !

Comment des yeux pouvaient-ils être presque verts ?

- Faut juste que tu rencontres quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui n'en aura pas strictement rien à faire de toi ! C'est pas bon de te morfondre comme ça ! conclut l'adolescent d'un air sûr de lui.

Ebao lâcha un soupire et son frère prit ça pour une validation en lançant un "Je t'arrangerai une rencontre".
Olrän partit, laissant Ebao seul à l'entrée de la chambre de Solveig. La respiration de la gamine était forte, signe qu'elle ne s'était pas réveillée malgré l'échange...

Au fond..

Ce n'était qu'une rencontre non ? Ca ne l'engageait à rien ? Comme Ermaelle avec Gastor ?
Il devrait peut-être en parler avec Ismelle ?