[Terminé][ Flashback ] Promenons-nous dans les bois, espérons que le chien y soit ! [ Avec Fenö Volòdar. ]

Avec le dégel, le voyage avait été des plus paisibles, presque plaisant. Pourtant, même si la situation était des plus appréciables, Ermaëlle n'avait qu'une hâte, s'en retourner à Karn. Bien sûr, sa vie y serait bien différente de celle qu'elle avait connu jusque-là... Il y a trois mois environ, Dame Nyama, la fille unique de son maître, avait épousé un homme de la lignée de Delan. Il y a trois mois, Ermaëlle était devenue son esclave, sans pouvoir s'y attendre... Elle était devenue un cadeau de mariage, un cadeau qu'avait fait Maître Herzok à sa fille, afin qu'elle la serve comme elle avait servi le patriarche pendant plusieurs années... Une nouvelle vie débutait pour elles deux... Une nouvelle vie qui s'était révélée assez mouvementée, il est vrai.

Deux semaines après le mariage, Messire Erack avait eu pour idée de faire visiter les terres de sa famille à son épouse, afin qu'elle puisse se familiariser avec ce nouveau monde. C'est ainsi qu'une petite équipée avait été formée, composée du jeune couple, de quelques soldats et d'esclaves. Ermaëlle avait cependant eu droit à un traitement de faveur. Nyama, consciente de sa valeur, avait demandé à la garder ses côté. Du moins, c'était-là la version qu'elle avait donné à son époux, pour expliquer sa présence. Au cours des deux semaines qui avaient suivi les noces, Nyama avait souhaité qu'elle soit la seule à s'occuper de certains aspects de son quotidien. Pour quelles raisons ? Ermaëlle n'avait pas su dire... Peut-être par méfiance envers le cheptel de sa nouvelle famille...  Si c'était le cas, la situation s'arrangerait sans doute avec le temps... Toujours est-il qu'il n'avait pas été question de faire le voyage dans la charrette réservée aux personnes de sa condition, sous bonne garde. La jeune esclave s'était trouvée aux côtés de sa maîtresse durant tout le trajet, s'occupant d'elle et de ses effets personnels. Si certains esclaves à talent auraient pu trouver de telles tâches dégradantes, Ermaëlle ne voyait pas les choses sous cet angle... Pas après avoir vu la détresse de Dame Nyama... Se faire à cette nouvelle vie ne serait pas simple, même si Erack n'était pas en cause... Tout ce changement n'était pas facile à appréhender...

Comme c'était le cas pour beaucoup de familles de la Haute Noblesse, les Delan avaient de  nombreux vassaux sur leurs terres familiales. Karn n'avait pas toujours été le siège de l'Empire et de ses plus prestigieuses familles. Il fut un temps où les plus grands seigneurs vivaient chacun de leur côté, dans de vastes demeures fortifiées. Ces lieux existaient toujours, rebâties aux fil des ans, au fil des siècles. Si les dirigeants des familles n'y vivaient plus forcément à l'année, une partie de leur parentèle s'y trouvait toujours. Il s'agissait en général de frères cadets, de cousins ou encore de neveux, qui avaient toute la confiance du patriarche. Ces personnes se chargeaient de faire le lien entre Karn, et les nobles de la moyenne et de la petite noblesse. Bien évidemment, des conflits éclataient fréquemment, mais c'était-là une chose commune, et tout bon patriarche devait pouvoir y faire face, le cas échéant. Mais rien de tel ne s'était produit lors de leur séjour. Le frère cadet de Messire Erack semblait s'entendre parfaitement avec son aîné, et Dame Nyama avait été accueillie comme il se devait pour une femme de son rang. Par la suite, les journées s'étaient résumées à recevoir vassaux et guerriers, qui voulaient assurer leur indéfectible soutien au futur patriarche de la famille. Dans certains cas, le jeune couple s'était également déplacé, quand leurs vassaux n'en avaient pas la possibilité. Les jeunes gens s'étaient également montrés là où de telles manifestations s'étaient révélées possibles. S'assurer du soutien des nobles était une chose. Vérifier que le Peuple se tenait, et se tiendrait, tranquille en était une autre.

Durant tout le voyage, Ermaëlle avait été là pour sa maîtresse, se tenant respectueusement en retrait. En dehors des entrevues qui s'étaient produites avec les différents vassaux des Delan, Nyama passait son temps avec elle. La jeune esclave s'occupait de sa chevelure ainsi que de ses tenues. Il s'agissait-là de grands honneurs, il est vrai. En temps normal, seules des femmes d'un rang équivalent à celui de sa maîtresse auraient pu se charger d'une telle besogne. Cependant, Nyama n'avait pas de Dames de compagnie. Du moins, pour le moment. Les différentes rencontres qui s'étaient produites ces derniers mois chargeraient sans aucun doute la donne. En plus de cela, Ermaëlle faisait également la lecture à la jeune femme, prenait soin de son chien, ou s'occupait de sa correspondance... Bien sûr, Nyama savait écrire. Mais cela ne l'empêchait pas de déléguer certaines tâches à son esclave, comme le faisait son père avant elle. Ermaëlle ne se plaignait pas. Elle appréciait le calme qui régnait toujours dans les appartements de sa maîtresse. Il était des plus propices au travail, il est vrai. A ses heures perdues, la jeune femme avait également eu l'occasion de reprendre certaines de ses enluminures, pour son plus grand plaisir.

Puis, le temps du départ était venu. Messire Erack ne pouvait s'absenter de Karn trop longtemps, quand bien même son père était encore à la tête de leur famille. La saison la plus froide avait laissé place à une période plus clémente de l'année. En chemin, le petit cortège avait eu tout le loisir d'observer les paysans qui reprenaient le chemin des champs, tandis que les éleveurs emmenaient paître leurs troupeaux là où l'herbe était la plus verte. Sur les côtes, les marins ne devaient pas être en reste. Dès que la glace disparaissait, il fallait quitter les ports au plus vite pour pêcher le plus longtemps possible. En sentant un cahot, Ermaëlle sortit de ses pensées, et jeta un regard par la fenêtre. Le cortège s'était arrêté net, au beau milieu du chemin qu'il empruntait jusqu'alors.

« Que vois-tu ? s'enquit Nyama, qui se trouvait assise à ses côtés.
- Peu de choses, ma Dame, si ce n'est une certaine agitation. » répondit Ermaëlle, en poursuivant son observation.

A l'extérieur, les gardes allaient et venaient, s'échangeant signes et paroles. Certains étaient accompagnés d'esclaves, reconnaissables entre tous à cause de leur crâne rasé. Ermaëlle aurait subi le même sort, s'il n'avait pas été décidé qu'elle restait à part du cheptel des Delan. Elle était la propriété de Nyama, et elle-seule avait des droits sur elle. Aussi, sa chevelure rousse, bien que courte, ornait toujours son crâne. Pour la différencier des personnes libres qui composaient leur cortège, il fallait s'en référer au bracelet d'or qu'elle portait à son poignet droit. Ce dernier devait rester visible en toutes circonstances. Chaque personne libre devait savoir si elle s'adressait, ou non,  à une personne de sa condition. En voyant Messire Erack s'approcher de la voiture, Ermaëlle se rassit convenablement. Sans doute avait-il des informations sur la raison de cet arrêt...

« Mon brave, que se passe-t-il ? s'enquit Nyama, après que son époux soit entré dans la voiture. Pourquoi nous sommes nous arrêtés ?
- Il semblerait que cette maudite route ait causé quelques dégâts à la charrette des esclaves. répondit le jeune homme, avec un soupir. Une roue s'est brisée et une autre est abîmée au point de risquer de se rompre ! Nous ne pourrons pas repartir avant que le problème ne soit résolu, je le crains...
- Savez-vous combien de temps cela prendra ? reprit la jeune femme, songeuse.
- Je ne saurais dire... Il est possible que les dégâts soient plus importants que ce qui m'a été rapporté pour le moment. Nous allons devoir faire une halte. »

C'est ainsi qu'une partie des esclaves commença à monter le camp, tandis que d'autres fouillaient dans de grandes malles, sortant les objets de première nécessité. Quant à Ermaëlle, elle se trouvait non loin de la voiture, sa maîtresse se trouvant toujours à l'intérieur. La jeune esclave ne savait pas s'ils passeraient une nouvelle nuit, ici, sur les routes. L'après-midi ne faisait que commencer, mais les réparations pouvaient prendre un certain temps... A cela, il fallait ajouter le temps qu'il faudrait pour lever le camp et que malgré le dégel, la nuit tombait encore assez vite. Si Karn n'était sans doute plus très loin, ils n'étaient pas arrivés pour autant...

Ermaëlle sortit brusquement de ses pensées. Deux esclaves avaient laissé tomber une caisse, et son contenu s'était répandu sur le sol avec fracas. La jeune esclave n'eut pas le temps de se remettre de cette expérience qu'une tornade grise s'échappa de la voiture contre laquelle elle s'était adossée. Un cri retentit alors. Un cri qu'Ermaëlle reconnu immédiatement. Il s'agissait de celui de sa maîtresse. Était-ce donc Lya, qui s'était enfuie ?!

« Ermaëlle, rattrape-la ! Lya ! Elle va se perdre ! Elle ne connaît pas la forêt ! » s'exclama Nyama, en sortant à moitié de la voiture.

La jeune esclave acquiesça. Sans réfléchir d'avantage, elle s'élança dans la direction dans laquelle s'était enfuie la chienne. Lya était encore jeune, et pouvait être effrayée très facilement !  La jeune femme venait d'en avoir la preuve ! Si elle tenait quelque peu du loup, pour ce qui était de son apparence, elle n'en restait pas moins un chien, et n'était pas particulièrement taillée pour la vie sauvage ! Et dire que quand tout était calme, il n'y avait pas de créature plus douce et docile qu'elle ! Il ne restait plus qu'à espérer que la chienne se calmerait rapidement ! Ermaëlle ne tenait pas à se faire mordre !

« Lya ! Lya ! Viens ici, ma belle ! Personne ne te fera de mal ! Tout va bien ! » s'exclama la jeune femme, en utilisant ses mains pour que sa voix porte plus loin.

Tout en continuant d'appeler la chienne, Ermaëlle s'enfonçait dans la forêt. Hélas, malgré ses cris, malgré ses appels, Lya restait introuvable. Découragée, la jeune femme s'arrêta quelques instants, avant de pousser un soupir. Ses jambes commençaient à être douloureuses, et elle s'était sans doute beaucoup éloignée du chemin... Et il n'y avait toujours pas la moindre trace de Lya... La chienne semblait s'être évanouie dans la Nature... Pourtant, il ne s'était écoulé que quelques secondes, entre la fuite de l'animal et le moment où elle s'était lancée à sa poursuite... Comment avait-elle réussi à la perdre de vue aussi rapidement ?

Codage par Libella sur Graphiorum

Alors qu'Ermaëlle s'apprêtait à se remettre en marche, un hennissement retentit. A cet instant, la jeune femme se demanda si elle n'était pas revenue inconsciemment au camp. Si cette hypothèse semblait probable, l'esclave se rendit rapidement compte que cette partie de la forêt ne lui était pas familière. De plus, le cheval semblait s'être éloigné, et avec son départ, les lieux avaient retrouvé leur calme. Ermaëlle sentit son cœur se serrer. Avec tout ce bruit, Lya devait être terrorisée et s'était sans doute enfoncée d'avantage dans les bois... Malgré la difficulté de la tâche qui s'annonçait, la jeune femme savait qu'elle n'avait pas droit à l'échec. Ce que la maîtresse ordonnait, l'esclave devait l'accomplir... Elle devait retrouver la chienne quoi qu'il puisse en coûter, et au plus vite...

Mais que pouvait bien faire un cheval seul en ces lieux ? Ermaëlle n'avait pas le souvenir d'avoir entendu une voix, en plus du hennissement. Si des troupeaux de chevaux sauvages existaient toujours, ils préféraient sans aucun doute les plaines aux forêts... De plus, une créature seule ne survivrait sans doute pas très longtemps face aux loups ou aux autres prédateurs qui pouvaient vivre ici... A cette pensée, Ermaëlle sentit un frisson lui parcourir le dos. Lya pouvait tout aussi bien faire office de proie que ce cheval, dans la situation présente... Il en allait de même pour le possible cavalier qui devait se trouver non loin... S'il était blessé... L'esclave préférait ne pas y penser. Mieux valait s'assurer de son état. Avec un peu de chance, il aurait peut-être même croisé Lya...

Forte de ces pensées, la jeune femme se remit en marche, tâchant de se souvenir de la direction d'où provenait le hennissement. S'enfoncer d'avantage dans la forêt lui déplaisait, mais fort était de constater qu'Ermaëlle n'avait pas d'autre choix... De plus, la route ne devait pas être très loin. La retrouver ne devrait pas être une tâche complexe. Du moins... L'esclave l'espérait... Dans le cas contraire... La jeune femme chassa cette idée de ses pensées. Retrouver le chemin du camp n'était pas le plus important, pour le moment. Ramener Lya saine et sauve était sa priorité, de même que de vérifier si cavalier il y avait bien.

Au bout de longues minutes, Ermaëlle finit par remarquer une clairière. Une personne s'y trouvait, debout au beau milieu des arbres. Ainsi, son hypothèse se confirmait, en partie du moins. Il y avait bien quelqu'un d'autre en ces lieux... Au vu de sa taille et de sa carrure, la jeune femme en déduisit qu'il s'agissait d'un tout jeune adolescent. Tout d'orange vêtu, l'inconnu ne passait pas inaperçu. S'agissait-il d'un esclave, ou d'une personne libre ? Aucun détail ne semblait aller dans la direction de la première possibilité. Pas de bracelet, pas de crâne ras... De plus, ses vêtements n'étaient pas aussi sombres que ce qui était attendu pour les personnes d'une telle condition... Ainsi, il s'agissait sans doute d'une personne libre... A cette pensée, le premier réflexe d'Ermaëlle fut de vérifier si son bracelet d'or était toujours visible, à son poignet droit. Comme toujours, c'était le cas. A la lumière du soleil qui filtrait entre les branches des arbres environnants, le métal précieux semblait briller légèrement. En ajoutant à cela sa chevelure courte, l'adolescent ne se tromperait sans doute pas sur sa propre condition. Tel était l'intérêt de ces modifications corporelles...

« … Bien le bonjour... commença Ermaëlle, la tête respectueusement inclinée. Je vous prie d'excuser ma présence, mais j'ai entendu du bruit et... Et je voulais m'assurer que personne n'était blessé... Je... Je suis Ermaëlle, une esclave au service de Dame Nyama Delan. ajouta la jeune femme. J'espère que vous vous portez pour le mieux... Peut-être pourriez-vous me renseigner ? Le chien de ma maîtresse s'est enfui, et je n'arrive pas à le retrouver... »

Si adresser la parole à des personnes libres n'avait jamais réellement posé problème à Ermaëlle, à l'époque où Maître Dyarm la formait, depuis son retour dans le monde qui était le sien, tout avait changé... La jeune femme faisait désormais preuve de la plus grande des prudences, lorsqu'il s'agissait de vivre en compagnie de personnes libres. Elle n'était qu'une esclave, rien de plus, et en conséquence, elle devait suivre certaines règles bien précises... Aussi, le silence était généralement de mise... Mais dans la situation présente, Ermaëlle n'avait pas d'autre choix que d'adresser la parole à cet inconnu. Le retour de Lya auprès de Dame Nyama en dépendait...

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C'était donc ainsi que les choses s'étaient passées... Lya, au comble de la panique, avait également effrayé le cheval de l'adolescent. A présent, c'était donc deux créatures apeurées qu'il faudrait retrouver au plus vite, bien qu'Ermaëlle devait avouer qu'elle était bien plus inquiète pour la chienne de sa maîtresse, qu'au sujet de l'autre créature... Si Lya avait été offerte à sa maîtresse, c'était pour une très bonne raison... Bien qu'ayant des parents chasseurs, Lya n'avait jamais montré de réelles aptitudes pour la chasse ou la défense d'autrui... Elle en devenait donc inutile, à moins de devenir un simple animal de compagnie. Aussi, la créature n'était pas habituée aux bois, et à ses occupants, avec toutes les conséquences que cela pouvait engendrer dans la situation actuelle...

Si le ton employé par l'adolescent aurait pu semblé inconvenant aux yeux d'une personne libre, pour Ermaëlle, il n'y avait rien de plus commun. Rares étaient les personnes comme Maître Dyarm ou Dame Nyama, qui s'adressaient aux personnes de sa condition comme si elles étaient douées des mêmes droits qu'eux. Pour Maître Dyarm, cela n'avait rien d'étonnant. Comme elle, il avait été un esclave, avant d'être affranchi par son propriétaire. Pour ce qui était de Dame Nyama... Sa douceur, sa compréhension ainsi que la confiance qu'elle plaçait en son esclave, venaient sans doute du fait qu'elle était son dernier souvenir de sa famille d'origine, même si son caractère devait y être pour beaucoup également. Dame Nyama était la douceur faite corps. Ermaëlle doutait qu'elle ait déjà porté la main sur un esclave un jour...

« Je vous prie d'accepter les plus plates excuses de la part de ma maîtresse... commença la jeune femme, la tête toujours inclinée, les mains croisées, tenant chacune l'un de ses poignets. A l'heure actuelle, les coupables de tout ce tumulte ont sans doute déjà reçu une punition adéquate, n'ayez aucune crainte à ce sujet. »

Quand l'adolescent désigna la direction dans laquelle s'étaient enfuis les deux animaux, Ermaëlle se permit de redresser légèrement la tête. Cette piste était peut-être imprécise, mais c'était toujours mieux que d'errer en espérant retrouver les deux bêtes en fuite au détour d'un chemin, ou tout simplement de ne pas savoir où donner de la tête... Comme c'était le cas jusqu'à présent... Il était sans doute préférable de suivre les indications de l'inconnu, faute de mieux... Du moins, pour le moment. Avec un peu de chance, Lya ferait part de sa présence, d'une manière ou d'une autre... Du moins, Ermaëlle l'espérait... Plus le temps passait et plus les recherches se compliqueraient, plus encore avec la nuit qui tomberait plus tôt qu'ils ne pouvaient l'imaginer...

« Merci pour votre aide précieuse. répondit Ermaëlle, la tête à nouveau inclinée. Cette idée vous semblera sûrement farfelue mais... Pourquoi ne pas reprendre les recherches ensemble ? Je suis désolée que Lya vous ait causé tant de tord, et j'aimerai pouvoir arranger la situation... Si vous le permet... »

Ermaëlle n'eut pas le loisir d'achever sa phrase. A son tour, l'adolescent venait de décliner son identité. La jeune esclave s'était déjà rendue à la Cour de nombreuses fois, en compagnie de Maître Herzok. De fait, les plus grands noms de la noblesse de Karn ne lui étaient pas inconnus, plus encore avec certains livres qu'elle avait eu l'occasion de consulter. Aussi, le nom de Volòdar trouva immédiatement écho dans son esprit. En comprenant que l'inconnu n'était pas un homme libre du commun, la jeune femme s'empressa de changer de position, ne craignait que trop de commettre un impair. S'inclinant d'avantage, la jeune femme glissa son bras droit derrière son dos, le pliant légèrement. Quant à son autre bras, il se retrouva plié au niveau de sa poitrine, sa main légèrement serrée se trouvant désormais au niveau de son cœur.

« … Enchantée de faire votre connaissance, jeune Seigneur. déclara Ermaëlle, après que l'adolescent se soit tu. Je vous prie de m'excuser, si mon comportement vous a semblé inconvenable... »

Un fils de la Haute Noblesse... Ici... Seul au beau milieu des bois... S'il y avait bien une rencontre à laquelle Ermaëlle ne pouvait pas s'attendre, c'était bien celle-ci... Bien sûr, certains nobles appréciaient la chasse, et n'hésitaient pas à investir les bois se trouvant dans les alentours de Karn pour pratiquer une telle activité. Mais de pareils événements regroupaient de nombreuses personnes, en comptant ceux et celles qui comptaient participer à la chasse en elle-même, ainsi que les domestiques et les esclaves à leur service. Comment se faisait-il qu'un adolescent de ce rang se trouve en ces lieux, sans personne pour veiller sur lui ? Ermaëlle chassa ces pensées de son esprit. Les personnes libres allaient et venaient comme bon leur semblait... Une esclave comme elle ne devait pas avoir de question à leur poser à ce sujet...

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La proposition du jeune Seigneur semblait convenable, aux yeux de l'esclave. Si cela pouvait éviter des ennuis à sa Dame, ainsi qu'à elle-même, elle ne pouvait qu'être en accord avec la proposition de l'adolescent. De plus, celle-ci reprenait une idée que la jeune femme avait formulé. Comment être en désaccord avec le garçon, dans un pareil cas ? Quand Fenö se fut tu, Ermaëlle se permit de se redresser, chassant d'un geste adroit les plis qui ornaient désormais ses vêtements. Comme tout esclave qui se respectait, la jeune femme était entièrement vêtue de sombre. Sa cape était noire comme de l'encre, tout comme la large bande de tissu qui resserrait sa tunique gris poussière au niveau de sa taille, et le pantalon qu'elle portait dessous. Une ombre, voilà ce qu'un esclave se devait d'être.

« Qu'il en soit ainsi, dans ce cas. répondit Ermaëlle, en hochant résolument la tête. Passez devant. » ajouta-t-elle, respectueusement.

Une esclave ne pouvait se permettre de marcher au même niveau qu'une personne libre, encore moins si cette dernière faisait partie de la noblesse. Cependant, cette partie du protocole n'avait pas empêché Dame Nyama de lui demander de marcher à ses côtés en certaines occasions,  afin de pouvoir répondre à certaines de ses injonctions, par exemple. Maître Herzok s'autorisait de pareilles entorses aux règles, lors de certaines occasions. Il était sans aucun doute plus aisé pour lui de surveiller ce qu'elle écrivait lorsqu'elle se trouvait à sa hauteur, plutôt que deux ou trois pas derrière lui. Une telle chose se produisait le plus souvent pour les activités qui se déroulaient à l'extérieur de la demeure familiale, comme c'était le cas pour l'achat d'esclaves, le patriarche préférant se déplacer en personne. Le reste du temps... Ermaëlle se trouvait en retrait, comme il se devait, si ce n'est que son Maître se déplaçait parfois pour s'assurer que le travail demandé était effectué de la meilleure des manières.

Ermaëlle avait toujours fait en sorte de contenter Maître Herzok. Les choses ne pouvaient pas être différentes alors qu'elle était aux côtés de sa fille, désormais... Si retrouver la monture de ce jeune Seigneur était important à n'en pas douter, l'esclave n'en oubliait pas sa mission première, à savoir contenter celle qui la servait, et au plus vite. Pour le moment, son absence n'était sans doute pas inquiétante, mais d'ici peu de temps, on demanderait sans doute à quelques gardes de venir à sa rencontre, pour s'assurer qu'elle n'avait pas profité de la disparition de Lya pour fuir... Une situation à laquelle Ermaëlle préférait ne jamais être confrontée... Prendre plus de temps que nécessaire pour accomplir une mission, au point que cela en devienne suspect, n'était jamais une bonne chose, pour une personne de sa condition...

Fenö s'étant éloigné dans la direction qu'il avait indiqué précédemment, la jeune femme comprit qu'il était tant de le rejoindre. Ceci fait, Ermaëlle se tint tout de même légèrement en retrait, comme le voulait le protocole habituel. Malgré cela, l'esclave n'avait aucun problème pour entendre les explications du jeune noble, ou pour discerner les empreintes qu'il venait de découvrir. Comme il l'avait fait pour d'autres de ses protégés, Maître Dyarm lui avait appris à reconnaître certaines empreintes. D'un autre côté, fort était de constater que Tymor s'était montré plus doué qu'elle en la matière. Si le jeune homme avait été à sa place, retrouver Lya et Ureüs n'aurait sans doute pas été un problème...

« Une piste reste une piste, même si elle peut sembler mince. remarqua Ermaëlle, calmement. Nous verrons bien où elle nous mène. »

Bien sûr, il y avait toujours à craindre que ces quelques empreintes finissent par s'estomper, sans que les animaux n'aient été retrouvés pour autant... Sans le dégel, les choses auraient été bien différentes. La neige aurait conservé une trace bien plus nette du passage des deux créatures, ce qui aurait facilité les recherches. Avec le retour des temps plus cléments, le jeune noble et l'esclave devraient se contenter de ce que la boue avait pu conserver de la fuite des deux animaux... Si la chance était de leur côté, ils pourraient peut-être découvrir que l'herbe avait été piétinée par endroits, ou d'autres signes indirects de la présence de leurs bêtes respectives...

« … Hum ? Regardez. On dirait que les empreintes sont orientées dans cette direction. » remarqua Ermaëlle, en indiquant un buisson qui se trouvait non loin.

Tout en songeant aux possibilités qu'elle avait évoqué au sein de son esprit, l'esclave avait observé les alentours silencieusement. Le buisson qui retenait désormais son attention semblait avoir quelque peu souffert. Certaines de ses branches, en partie brisées, pendaient encore mollement dans le vide. De là où Ermaëlle se trouvait, il lui était impossible de dire si certaines branches s'étaient retrouvées sur le sol, et si lesdites brindilles avaient été piétinées ou non, l'herbe masquant le pied du buisson. Néanmoins, le fait que les plantes se retrouvent dans un tel état était pour le moins étrange, d'autant plus que celles qui étaient un peu plus éloignées de la trajectoire dessinée par les empreintes, semblaient avoir été épargnées. Du moins, c'était l'impression qu'avait la jeune femme. Pour en avoir le cœur net, il leur faudrait s'approcher un peu plus du buisson en question.

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Tandis que l'adolescent s'approchait du buisson, Ermaëlle resta immobile quelques instants, afin qu'une certaine distance se créée entre elle et le jeune noble. Une fois que ce dernier se fut suffisamment éloigné, la jeune femme se mit en marche, restant tout de même respectueusement en retrait. De là où elle se trouvait désormais, l'esclave pouvait se rendre compte du réel état du buisson. Certaines de ses branches pendaient mollement dans le vide, à moitié brisées, tandis que d'autres se trouvaient désormais au sol, piétinées. La jeune femme doutait qu'un chien ait pu faire de tels dégâts... Il s'agissait sans doute d'une trace du passage de la monture de l'adolescent, bien que les deux bêtes aient pu emprunté le même chemin lors de leur fuite...

Quand le jeune Seigneur proposa de continuer, la jeune femme se contenta de hocher discrètement la tête. Après tout, c'était leur seule piste. Ils devaient la suivre jusqu'au bout, et espérer qu'elle se montre fructueuse... Comme l'adolescent, Ermaëlle dut passer au travers du buisson. La jeune femme ne rejoignit pas le jeune noble immédiatement, cependant. Sa cape s'étant prise dans les branches, l'esclave prit le temps de la libérer. Les vêtements qu'elle portait n'étaient pas sa propriété. Après tout, comment un objet pouvait-il en posséder un autre ? Même son Ouvrage ne lui appartenait pas réellement... Si Dame Nyama décidait de le détruire, Ermaëlle n'aurait aucun moyen de l'en empêcher... La jeune femme chassa cette pensée de son esprit, parvenant à libérer sa cape de l'emprise des branches. Sa maîtresse n'avait aucune raison d'agir ainsi. L'esclave n'avait pas de raison de s'inquiéter... Du moins, il fallait l'espérer...

Libérée des branches du buisson, Ermaëlle craignit de ne pas retrouver la trace du jeune noble. Alors qu'elle s'interrogeait quant à la direction qu'avait pu emprunter l'adolescent, la voix de ce dernier retentit. Ureüs... Ainsi, le jeune noble avait retrouvé sa monture ? Il n'y avait qu'un seul moyen d'en avoir le cœur net... D'un bon pas, l'esclave se remit en marche, suivant la direction d'où provenait la voix. Après quelques minutes, Ermaëlle se retrouva non loin d'une nouvelle clairière. Le jeune Volòdar se trouvait là, tenant par la bride un cheval à la robe immaculée, presque neigeuse.  L'esclave esquissa un fin sourire en voyant l'adolescent flatter l'encolure de sa monture. Tout semblait être rentré dans l'ordre. Pour lui, du moins...

« Ainsi, c'est lui Ureüs... Si vous permettez un compliment... C'est une bien belle monture que vous avez là... Vous aviez raison de vous inquiéter autant pour lui. » commenta l'esclave, en baissant humblement la tête.

Au moins, la monture du jeune noble était saine et sauve... Et Lya, dans cette histoire ? Il ne semblait pas y avoir la moindre trace de la chienne ici... Relevant légèrement la tête, Ermaëlle se permit de jeter un rapide regard aux alentours. Rien... Il n'y avait rien ici qui semblait sortir de l'ordinaire ici, en oubliant la présence de l'adolescent, celle de la monture, et la sienne... Où pouvait bien se trouver la pauvre petite créature, à présent ? L'esclave retint de justesse un soupir, sentant son cœur se serrer... N'importe où... Lya pouvait être n'importe où... Ces bois étaient sans aucun doute très étendus, et les cachettes devaient y être très nombreuses...

Il ne restait qu'une solution... Une dernière tentative et elle devrait s'en retourner auprès de Dame Nyama pour chercher de l'aide... Redressant légèrement la tête, Ermaëlle s'avança d'un pas, entrant réellement dans la clairière. A la demande de Maître Herzok, Lya avait reçu une partie de l'éducation donnée aux animaux destinés à la chasse. Aussi, elle répondait à certaines injonctions, et à certains bruits. L'esclave en avait fait l'expérience plusieurs fois, de même que Dame Nyama. Si la chienne se trouvait dans les environs, elle répondrait, bien que rien de pareil ne s'était produit jusqu'à présent, hélas... Et si la chienne ne faisait pas part de sa présence... Mieux valait ne pas y songer...

« … Je... Je vais devoir faire un peu de bruit... Je vous prie de m'excuser... Il faut que... Il faut que je vérifie si Lya n'est pas dans les parages... Cela ne sera pas long... » assura Ermaëlle, poliment.

Prenant une profonde respiration, Ermaëlle siffla une première fois. Ce premier sifflement fut court, et suivit d'un deuxième, beaucoup plus long. Un troisième, aussi bref que le premier, acheva l'étrange mélodie ainsi créée. Par la suite, le silence se fit à nouveau. L'esclave tendit l'oreille, à la recherche du moindre bruit qui pourrait présager de la présence de Lya. Hélas, seul le silence lui répondit, toujours aussi profond... Alors que la jeune femme s'apprêtait à siffler une nouvelle fois, un petit couinement se fit entendre. Un son qu'Ermaëlle ne connaissait que trop bien. Lya agissait toujours de la sorte, lorsqu'elle avait peur, ou qu'elle pensait se faire punir. Pour confirmer son idée, l'esclave siffla à nouveau. Ce nouvel appel fut plus fructueux, étant suivi d'une sorte d'aboiement, mêlé au couinement.

« … C'est elle ! s'exclama Ermaëlle, visiblement soulagée. Elle est toute proche ! Il faut que je la retrouve ! »

Sans hésiter un instant, l'esclave quitta la clairière en courant presque. Elle siffla plusieurs fois encore, Lya lui répondant encore et toujours. Au fil des minutes, les couinements et les aboiements se faisaient plus proches. Alors qu'elle s'apprêtait à siffler une nouvelle fois, Ermaëlle remarqua une forme grise, un peu plus loin. Ainsi, elle ne s'était pas trompée ! Lya était là, sous ses yeux ! Elle l'avait retrouvée ! La chienne ne tarda pas à remarquer sa présence également. Des aboiements joyeux remplacèrent les couinements. Arrivée au plus près de l'animal, le premier réflexe de la jeune femme fut de s'assurer de sa santé. Hélas, la tâche se révéla plus complexe que ce que l'esclave avait imaginé, Lya préférant lui montrer sa reconnaissance en lui léchant allégrement le visage !

« Lya ! Calme-toi s'il te plaît ! Moi aussi, je suis contente de te revoir, mais il faut que je vérifie que tu vas bien ! » s'exclama l'esclave, en riant.

L'intéressée ne semblait rien vouloir entendre ! Ermaëlle fut même obligée de la repousser gentiment, afin d'avoir un peu de répit. D'un geste, l'esclave fit ensuite signe à la chienne de s'asseoir, ordre que la petite bête au pelage gris accepta d'effectuer. Lya semblait se porter pour le mieux, si ce n'est que son pelage était couvert de terre et de poussière. Un bon coup de brosse et cette mésaventure ne serait plus qu'un lointain souvenir ! A présent, la jeune femme n'avait plus qu'une hâte, rejoindre Dame Nyama ! Tout était rentré dans l'ordre, à son grand soulagement ! L'espace de quelques instants, l'esclave en avait même totalement oublié le jeune noble qu'elle avait accompagné !

Ce moment de joie et de soulagement passé, Ermaëlle jeta un regard autour d'elle. Elle s'était sans doute quelque peu éloignée de la clairière où le jeune Volòdar se trouvait en compagnie de sa monture... Elle devait se remettre en route au plus vite. Il ne fallait pas que l'adolescent songe qu'elle lui avait faussé compagnie. A cette pensée, l'esclave se redressa. Après avoir chassé les nombreux plis qui se trouvaient désormais dans ses vêtements, Ermaëlle fit signe à Lya de la suivre. Docilement, la petite créature la suivit, comme si plus rien ne pouvait plus l'effrayer, désormais. En la voyant marcher à côté d'elle, le sourire de l'esclave s'agrandit quelque peu. Tout s'était arrangé... Que ce soit pour le jeune noble, ou pour elle.

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Ermaëlle fut quelque peu surprise en apercevant le jeune noble juché sur sa blanche monture, alors qu'elle s'avançait entre les arbres. Ainsi, il l'avait suivie ? D'un autre côté, il est vrai que son départ précipité avait sans doute intrigué l'adolescent... D'un regard, l'esclave guetta la réaction de Lya, craignant un écart de sa part. Si la chienne n'avait jamais montré de signes d'anxiété en présence d'un cheval, avec les récents événements, la jeune femme préférait se montrer prudente... Lya se montra cependant aussi docile qu'à son habitude. La seule chose qui semblait sortir de l'ordinaire était le fait que ses oreilles s'étaient dressées, tout comme sa queue. A n'en pas douter, la petite créature avait saisit bien avant Ermaëlle qu'Ureüs s'approchait. A moins que ce ne soit son odeur qui ait trahit l'équidé. La réputation du flair des chiens de chasse n'était plus à faire !

Quand la jeune femme fut à portée de voix, le jeune Seigneur s'adressa à elle. La situation avait connu une issue favorable, c'était le principal ! Pour le reste... L'adolescent soulevait une question qui devait trouver réponse dans les plus brefs délais... Ermaëlle avait parfaitement conscience du fait qu'elle s'était éloignée du camp, en recherchant Lya. L'esclave jeta un bref regard dans la direction des cimes. De part la proximité des arbres, les rayons du soleil peinaient à rejoindre le sol, et la course de l'astre solaire n'était que difficilement discernable... Combien de temps avait-elle passé dans ces bois, à courir après Lya ? L'esclave n'en savait rien... Peut-être même que des gardes avaient été envoyés à sa recherche, à l'heure qu'il devait être...

Cessant sa contemplation, Ermaëlle baissa la tête. Elle devait se rendre à l'évidence. Elle ne saurait pas retrouver son chemin. Rejoindre le  lieu où elle avait rencontré le jeune noble ne devrait pas être une tâche complexe, mais ensuite ? Les empreintes de ses pas seraient-elles encore visibles ? Si la terre s'était sans aucun doute réchauffée avec le retour des beaux jours, elle restait dure par endroit, et ne gardait aucun souvenir du passage des créatures qui pouvaient la fouler... Retrouver le camp lui prendrait sans doute des heures, si personne n'avait été envoyé à sa recherche... L'esclave ne pouvait pas imaginer passer la nuit dans ces bois... Elle n'avait pas l'équipement, ou les capacités, pour affronter une telle situation...

« Tout est rentré dans l'ordre, en effet. commenta la jeune femme, la tête respectueusement inclinée. Hélas... Je dois avouer que retrouver mon chemin ne sera pas une chose aisée... Je dois retrouver la route... Pourriez-vous... Si cela ne vous dérange pas et qu'il vous est possible de me renseigner, bien sûr... M'indiquer la direction dans laquelle elle se trouve ?

Si Ermaëlle avait une vague idée de la position de la route, il lui serait sans doute possible de retrouver le camp. Après être retournée sur ses pas, il lui suffirait de garder à l'esprit la direction indiquée par le jeune noble, pour retrouver l'escorte de sa maîtresse. Du moins, la jeune femme espérait que les choses se passeraient ainsi... Dans le cas contraire... L'esclave ne serait jamais aussi heureuse de rencontrer la garde rapprochée de Dame Nyama...

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Ainsi, le jeune Seigneur semblait avoir une certaine connaissance des environs. Sans doute s'était-il déjà rendu en ces lieux pour participer à une chasse... Il est vrai que les jeunes nobles se familiarisaient rapidement avec un tel univers. A bien des égards, le monde de la chasse préfigurait l'entrée dans le monde militaire. Monter à cheval, tirer à l'arc... Il s'agissait-là de deux compétences à avoir avant de pouvoir prétendre au maniement de d'autres armes, qui étaient d'avantage usitées sur les champs de bataille... Bien sûr, les forêts étaient aussi appréciées dans le cadre des promenades. Il était possible que le jeune Volòdar pratique fréquemment une telle activité en ces lieux, bien qu'aux yeux de certains, une telle occupation soit considérée comme bien plus féminine...

« Oh... Je... Je vous remercie pour votre aide... Vous m'évitez là bien des problèmes... » avoua la jeune femme, la tête toujours respectueusement inclinée.

Au moment où le jeune noble lui adressa un signe de la main, Ermaëlle se mit en marche, Lya trottinant à ses côtés. Comme à son habitude, l'esclave faisait en sorte de garder une certaine distance avec l'adolescent. Néanmoins, malgré cette volonté, la jeune femme fut contrainte d'accélérer le pas, afin de ne pas se laisser distancer par la monture sur laquelle était juché son jeune guide. Quant à la chienne de sa maîtresse, elle ne semblait que peu gênée par cette situation, se contentant de modifier son allure afin de rester à ses côtés. Ce fait n'empêchait pas Ermaëlle de s'assurer que la créature se trouvait toujours à ses côtés. Il n'était pas question de perdre à nouveau l'animal !

Quant à la monture du jeune noble... Elle semblait tout aussi docile que Lya, suivant les directives de son cavalier sans aucune difficulté. Dans une telle situation, il était impossible de nier la noblesse du jeune Volòdar. Il avait cette prestance particulière, cette même prestance qui animait les faits et gestes de la plupart des membres des grandes familles de l'Empire. Bien évidemment, ce fait était bien plus visible quand les personnes vieillissaient. Elles en imposaient d'avantage avec les années. Du moins, c'était ce qu'Ermaëlle avait remarqué, en évoluant dans ce monde qui était le sien. La noblesse n'était pas qu'une question de sang. Les nobles se devaient également d'avoir certaines aptitudes bien particulières.

C'est alors que la voix de l'adolescent retentit à nouveau. En jetant un regard autour d'eux, Ermaëlle eut l'impression que la forêt s'était faite moins dense. La route était tout proche, d'après les dires du jeune noble. L'esclave releva légèrement la tête, au moment où le jeune Seigneur lui indiqua la direction qu'elle devait emprunter. Soit... Retrouver le camp ne devrait pas être une chose complexe. Un tel groupe faisait forcément un certain raffut... A ce sujet, il lui faudrait s'assurer que Lya ne soit pas à nouveau effrayée... Dans le cas contraire... Tout serait à recommencer...

« Veuillez accepter à nouveau mes remerciements. commença Ermaëlle, le plus poliment possible. J'espère que la suite de votre voyage se passera pour le mieux, et que vous atteindrez votre but sans encombre. »

La jeune femme n'osa pas rendre son salut à l'adolescent. Un geste pareil aurait pu se révéler déplacé, de la part d'une esclave. Surtout envers un membre de la Haute Noblesse. Aussi, l'esclave se contenta de garder la tête respectueusement inclinée, jusqu'au moment où le jeune noble se fut assez éloigné d'elle. Ensuite, Ermaëlle se permit de redresser la tête. D'un signe de la main, la jeune femme fit signe à Lya de la suivre. La chienne sur ses talons, l'esclave traversa quelques buissons, prenant le soin de ne pas y laisser des morceaux de sa cape. Au bout de quelques minutes, la route toute proche fut finalement en vue, comme l'avait assuré le jeune noble quelques instants auparavant.

A cette vue, Ermaëlle ne put retenir un soupir de soulagement. Rejoignant le large de chemin, la jeune femme tendit l'oreille, en quête d'un quelconque bruit qui pourrait lui indiquer la position du camp. Un bruit lointain, quelque peu étouffé, lui parvint alors. Jugeant que le son provenait de la direction que l'escorte avait emprunté, l'esclave se remit en marche. Comme il lui tardait de revenir au camp ! Il allait sans dire que l'aide de ce jeune noble avait été providentielle ! Sans lui, Lya ne serait peut-être pas à ses côtés, à l'heure actuelle ! A cette pensée, Ermaëlle esquissa un sourire. Tout était rentré dans l'ordre. Absolument tout.

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